Contacts, n° 239

N° 239 – 3e trim. 2012

Liminaire

Le XIVe Congrès orthodoxe d’Europe occidentale s’est tenu du 26 au 28 mai 2012, à Strasbourg, sur le thème « La Vérité vous rendra libres ». On trouvera, dans ce numéro entièrement consacré aux Actes de cette manifestation triennale, les textes du message du Métropolite Emmanuel, des quatre conférences données en séances plénières par Noël Ruffieux, l’archimandrite Syméon (Cossec), Christos Yannaras et Georges Nahas, le rapport de clôture de Jean Gueit, mais également les rapports des ateliers, qui nous ont été transmis. Béni par l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, ce XIVe Congrès était organisé par la Fraternité Orthodoxe en Europe Occidentale. Tous les patriarcats ayant des diocèses en Europe occidentale étaient représentés. Étaient personnellement présents le métropolite Emmanuel (Patriarcat œcuménique, France), président de l’Assemblée des Evêques orthodoxes de France, le métropolite Nestor (Patriarcat de Moscou, France), le métropolite Séraphin (Patriarcat de Roumanie, Allemagne) et l’évêque Athénagoras (Patriarcat œcuménique, Belgique). L’archevêque Gabriel (Archevêché russe en Europe occidentale, exarchat du Patriarcat œcuménique), le métropolite Jean (Patriarcat d’Antioche, France), l’évêque Luc (Patriarcat de Serbie, France), retenus par des obligations pastorales, ainsi que le métropolite Joseph (patriarcat de Roumanie, France), souffrant, s’étaient excusés pour leur absence et étaient représentés par des clercs et de nombreux fidèles. Plus de six cents participants, dont de nombreux jeunes et enfants, venus de différents pays d’Europe, tant de l’Ouest (Belgique, France, Grande-Bretagne, Grèce, Pays-Bas, Allemagne, Suisse) que de l’Est de l’Europe (Russie, Ukraine, Roumanie, Bulgarie), se sont retrouvés, dans une ambiance conviviale et joyeuse, pour réaffirmer l’enracinement local des orthodoxes appelés à vivre la foi apostolique au sein de la société occidentale. Ces trois jours ont été rythmés par les offices liturgiques quotidiens, dont les deux points d’orgue furent, dimanche, la Divine Liturgie présidée par Mgr Emmanuel dans l’église luthérienne Saint-Thomas et les vêpres, présidées par le primat de l’Église orthodoxe d’Estonie Mgr Stéphane de Tallin, dans la cathédrale catholique de Strasbourg. Dans son allocution à la fin d’une Liturgie de caractère pentecostal célébrée en six langues, le métropolite Emmanuel a transmis aux fidèles la bénédiction de Sa Sainteté Bartholomée, patriarche de Constantinople, et les a encouragés dans leurs travaux en les assurant du soutien de l’AEOF : « La tenue d’un tel congrès a un sens pour l’Église orthodoxe tout entière et non seulement pour nous qui vivons en Europe occidentale ». Il a insisté sur deux axes essentiels de la vie chrétienne : rendre témoignage du Christ Vérité et vivre en communion autour de l’autel. Mgr Emmanuel a enfin remercié les prêtres orthodoxes du lieu ainsi que l’archevêque catholique de Strasbourg, les représentants des Églises luthériennes et réformées, les autorités de la ville et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour leur accueil et l’aide qu’ils ont apportée. Le congrès s’est articulé autour de quatre conférences plénières. Assurée par Noël Ruffieux, laïc orthodoxe suisse, la première conférence du Congrès, intitulée « Un saint et grand concile panorthodoxe… sans les orthodoxes ? », avait pour objet le futur concile panorthodoxe. Elle a fortement marqué les esprits par la prise de conscience qu’elle a suscitée. En effet, Noël Ruffieux a fait une démonstration remarquable de l’opportunité de ce concile, à condition d’associer à l’ensemble des évêques le plérôme du peuple de Dieu et de laisser souffler l’Esprit Saint. L’insistance qu’il a mise sur la responsabilité des fidèles, la nécessité pour eux de s’informer, de discuter et de faire des propositions explique a contrario le titre surprenant de son exposé. Le thème du Congrès « La Vérité vous rendra libres » a inspiré les trois autres conférenciers qui ont examiné dans des perspectives complémentaires les deux termes Vérité et Liberté et le lien qui les unit. Dans sa communication sur « Vérité et liberté dans l’Église », l’archimandrite Syméon, higoumène du monastère Saint-Silouane (Le Mans), a fait une lecture christologique de ce thème en insistant sur l’expérience personnelle de la rencontre avec le Christ qui nous libère du péché. Christos Yannaras, philosophe et théologien grec, professeur émérite à l’université de sciences politiques d’Athènes, dans « Notre cheminement vers la liberté réelle », a distingué l’acception banale et dévoyée du mot liberté dans le monde, de son sens véritable pour l’Église. La seule liberté de l’homme, a-t-il dit en citant Dostoïevski, est qu’il se libère de lui-même ; qu’il renonce à lui-même pour s’ouvrir à la grâce de Dieu et aux autres par la vie en Église. L’homme n’est pas seul dans cette lutte contre l’ego ; c’est un être en relation. Son effort personnel participe à l’ascèse qui est un évènement véritablement ecclésial. Pour Georges Nahas, enfin, qui a présenté la dernière communication sur « Une approche orthodoxe des concepts d’éthique et de liberté », le monde moderne a besoin de mieux connaître la spécificité de l’approche orthodoxe centrée sur la personne. Il appelle à l’actualisation d’un discours méconnu et trop souvent caché sous des aspects piétistes pour que ce témoignage orthodoxe soit audible. Ainsi chaque croyant est appelé à participer à la vie du monde en proclamant la Bonne Nouvelle et en participant aux débats sur les grandes questions concernant l’éthique et la liberté, que pose notre société même en dehors des cadres traditionnels. Dans la soirée du dimanche soir, un hommage a été rendu à notre amie Élisabeth Behr-Sigel, théologienne orthodoxe qui fut membre active du Comité de rédaction de la revue Contacts. Quatre personnes proches d’elle sont venues témoigner. Le père Michel Evdokimov a évoqué quelques points importants de son œuvre, soulignant « le rôle fondamental d’Élisabeth pour ouvrir l’Église à la modernité ». Anthony Greenan, son gendre, a relaté, souvent avec humour, bien des épisodes de la vie d’Élisabeth. Le pasteur Goetz, vice-président de l’Union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine a retracé le parcours intellectuel et pastoral d’Élisabeth en Alsace, indiquant : « sa vie a été comme un signe d’une seule Église chrétienne ». Enfin Brigitte Vilanova, militante orthodoxe de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, a rendu hommage à Élisabeth en expliquant comment celle-ci lui avait servi de modèle dans le combat que mène l’ACAT contre ce qui avilit et opprime les hommes. L’hommage s’est terminé par la projection d’un petit film, montage de plusieurs interviews. En marge des sessions plénières, les participants se sont retrouvés en petits groupes dans une quinzaine d’ateliers de réflexion portant sur des questions spirituelles, éthiques, sociales et politiques, etc, dont on trouvera les rapports correspondants. Dans sa conférence de clôture, le père Jean Gueit, aumônier de la Fraternité orthodoxe, a montré les convergences profondes entre les quatre conférences : la liberté en Christ n’est pas un concept mais une libération par l’Esprit Saint, un processus que nous construisons en Église. C’est pourquoi l’Église orthodoxe ne peut pas rester à l’écart de la marche du monde, ni craindre de s’y perdre, car elle a pour vocation d’y témoigner de la Vérité du Verbe et de l’Esprit, ce qu’elle ne peut faire sans mettre en accord le dire et le faire. Le père Jean a enfin souligné que ce congrès participe au processus de préparation du concile panorthodoxe et rappelé que la Fraternité est un « espace ecclésial ouvert à tous les orthodoxes souhaitant témoigner de l’unique nécessaire, la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité » et œuvrer à l’unité visible de l’Église ici et maintenant.

 

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 273-276]

Message du métropolite Emmanuel de France
[p. 277-279]

Un concile panorthodoxe sans les orthodoxes ?
[p. 280-305]
Noël Ruffieux

Vérité et liberté dans l’Église
[p. 306-318]
Higoumène Syméon (Cossec)

Notre cheminement vers la liberté réelle
[p. 319-327]
Christos Yannaras

Une approche orthodoxe des concepts d’éthique et de liberté
[p. 328-339]
Georges N. Nahas

Ateliers
[p. 340-372]

Conférence de clôture
[p. 373-380]
Jean Gueit

Tribune libre
[p. 381-387]

Bibliographie
[p. 388-396]