N° 199 – 3e trim. 2002
Liminaire
À bien des signes nous discernons que notre société post-chrétienne, au-delà ou en deçà de son culte de la jeunesse et des ivresses fugaces, et de sa fuite en avant dans une course aux développements techniques et scientifiques, est taraudée par la réalité fascinante de la mort et du néant. Face à cette angoisse, le message des disciples de Jésus, proclamant la résurrection de celui qu’ils ont reconnu comme l’Agneau de Dieu, ne donne pas lieu à une gaieté futile. Une joie grave rayonne du tombeau vide: pour vaincre la mort par sa mort, le Christ est descendu au plus profond des enfers, ouvrant à toute la création et d’abord aux hommes la voie de la vie éternelle. Mais qu’en fut-il de ceux qui gisaient dans l’Hadès, attendant depuis la chute d’Adam leur délivrance? Telle est la question qu’aborde l’évêque Hilarion Alfeyev dans une synthèse dogmatique riche et détaillée s’appuyant sur la tradition patristique de l’Orient chrétien. On saura gré à Mgr Hilarion de donner à entendre la voix symphonique des Pères tout en respectant le mystère du triduum pascal, face auquel seules conviennent la contemplation et la louange silencieuse.
La participation à ce mystère de la mort-résurrection du Christ est le premier bien auquel le nouveau chrétien est invité à accéder: dans le sacrement du baptême, il devient membre du corps ecclésial. Baptême et Église sont donc, en principe, intrinsèquement liés. Dans une étude approfondie à la fois historique, dogmatique et canonique sur « L’ecclésialité du baptême des autres chrétiens dans la conscience de l’Église orthodoxe », Michel Stavrou aborde un problème brûlant, aussi délicat que controversé et actuellement non résolu – situation qui explique partiellement, souvent de façon inavouée, le blocage du dialogue théologique de l’Orthodoxie avec Rome, depuis Balamand (1993). En s’appuyant sur la Tradition des Pères et des conciles, l’Église orthodoxe est appelée à retrouver une vision unifiée en théologie sacramentaire et pastorale à propos de l’ecclésialité du baptême des non-orthodoxes, sans que cela passe nécessairement par la médiation du saint et grand concile dont la réunion est renvoyée à un avenir indéterminé. Ainsi pourrait progresser quelque peu la marche vers l’unité des chrétiens, « pour que le monde croie ».
Dans « Les formes rituelles des lectures bibliques », le père Boris Bobrinskoy s’intéresse à la liturgie de la Parole, qui constitue le foyer de la proclamation évangélique et missionnaire de la Parole de Dieu dans le monde. Il montre notamment en quoi la division de la Liturgie en deux parties cloisonnées (liturgie de la Parole, liturgie eucharistique) s’avère trop schématique: dans la liturgie de la Parole, on trouve en effet déjà, de façon proleptique, le rappel des œuvres du salut, l’épiclèse et la communion à la Parole, qui préparent les fidèles à l’événement pentecostal de la communion eucharistique.
L’étude très spécialisée du père Spyridon Antoniou sur « Les lectures psalmodiées dans la tradition liturgique orthodoxe » montre que la manducation ecclésiale de la Parole de Dieu a été assurée, dans l’Orient chrétien, par une riche tradition liturgique remontant à la liturgie synagogale. Cette tradition, par l’utilisation des lectures psalmodiées, a su favoriser, par une savante connaissance des rythmes de l’oreille et du cœur humains, une mémorisation et une réelle appropriation de la parole du salut.
Cette livraison s’achève sur la question « Rabbi, ubi habitas? ». Pierre Fortin nous offre une méditation priante sur le pèlerinage intérieur de l’âme vers Celui qui a choisi d’habiter les profondeurs ultimes du cœur humain. Nous sommes ainsi ramenés, de façon éminemment existentielle, au mystère de la descente aux enfers du Ressuscité. « La Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie ». L’événement qui a eu lieu une fois pour toutes dans l’histoire du salut se trouve actualisé, par l’Esprit, dans le mystère sacramentel du Baptême. C’est ensuite le sens même de la vie spirituelle et ascétique du chrétien que de prendre conscience du trésor qu’il a reçu et de le faire fructifier.
Contacts
Sommaire
[p. 213-216]
« Contacts »
Le Christ vainqueur des enfers
[p. 232-259]
Evêque Hilarion Alfeyev
L’ecclésialité du baptême des autres chrétiens dans la conscience de l’Eglise orthodoxe
[p. 260-291]
Michel Stavrou
Les formes rituelles des lectures bibliques. Les rites accompagnant les lectures évangéliques et leur sens dans la tradition liturgique byzantine orthodoxe
[p. 292-298]
Père Boris Bobrinskoy
Les lectures psalmodiées dans la tradition liturgique orthodoxe
[p. 299-310]
Père Spyridon Antoniou
« Rabbi, ubi habitas ? »
[p. 311-322]
Pierre Fortin
Bibliographie
[p. 323]