Contacts, n° 219

N° 219 – 3e trim. 2007

Liminaire

La question de l’identité chrétienne orthodoxe en Occident se pose avec une acuité croissante depuis maintenant plus de trois générations. Nombreux sont les fidèles qui non seulement désirent être fidèles à l’Église orthodoxe – leur Église d’origine ou parfois d’adoption par le fait de circonstances providentielles – mais veulent aussi témoigner, même modestement, des trésors spécifiques de leur Église, tout en se voulant fermement ancrés dans la vie du pays occidental où Dieu les a placés. C’est à cette question que s’est intéressé récemment le père Boris Bobrinskoy dans la communication qui ouvre ce volume. Au fil des générations, l’inculturation de l’orthodoxie en Occident semble progresser et aider la vigne du Seigneur à s’affermir. Cependant, comme le rappelle la Lettre à Diognète, les chrétiens « vivent dans leur patrie, mais comme étrangers ; […] ils demeurent sur la terre mais ils sont citoyens du ciel. »

Si les chrétiens de l’Église ancienne avaient une conscience si vive de la patrie céleste, du Royaume à venir, celle-ci était intimement liée à leur foi en la paternité de Dieu révélée dans le mystère du Christ. C’est le thème central de l’article bien informé de Michel Stavrou sur « Le mystère de Dieu le Père chez saint Athanase d’Alexandrie ». Il nous montre qu’à travers la théologie d’Athanase, un tournant majeur a été accompli au IVe siècle dans la compréhension de ce que signifie doublement la paternité de Dieu : à la fois pour la Sainte Trinité et pour l’homme, objet de l’amour de Dieu. Loin de se clore dans sa transcendance, Dieu désire se donner tout entier à l’homme. Saint Athanase a montré que Dieu doit être communion en lui-même sui generis pour pouvoir se communiquer. Il doit éternellement être Père d’un Fils qui partage avec lui le Saint-Esprit pour pouvoir, selon sa bienveillance, devenir un père pour les hommes. Dieu le Père apparaît alors comme une véritable source de lumière à laquelle nous sommes abreuvés par l’Esprit Saint qui nous tait contempler l’éclat du Père qu’est le Christ, et devenir des fils dans le Fils.

Consacrée à « La paternité spirituelle chez les Pères du Désert », la belle et courte étude du père Joseph Naumowicz, que l’on trouvera ensuite, montre en quoi l’abba, chez les Pères ascétiques, est d’abord celui qui donne l’existence et la vie avant toute idée « d’autorité » ou de « direction ». Il est important de souligner que le père spirituel offre une vivante icône de la paternité divine, puisque c’est bien du Père, que « toute paternité céleste et terrestre tire son nom » (Ep 3,15).

Le signe le plus profond de l’amour de Dieu pour les hommes n’est-il pas le don qu’il fait de son Fils unique pour le salut du genre humain, don sacrificiel qui passe par le Golgotha, la Croix, les enfers pour s’ouvrir sur la Résurrection ? Une icône résume et symbolise pour ainsi dire le mystère ineffable de Pâques : La descente du Christ aux Enfers. C’est à la symbolique de cette représentation et notamment à la signification des couleurs qui s’y trouvent utilisées dans la Tradition, que nous initie Hélène Bléré dans son article – d’autant plus original qu’il s’appuie sur l’expérience d’une peintre d’icônes de talent. Cette icône de La Descente aux Enfers nous appelle à rencontrer le Christ ressuscité, à nous laisser, comme Adam et Ève sur l’icône, saisir aux poignets hors du gouffre de la mort et du néant par le Maître de la Vie. En dehors de cette perspective existentielle, l’icône ne serait que vain esthétisme. Comme le soulignaient les Pères du Désert, la vraie contemplation (théoria) s’avère indissociable d’une authentique praxis spirituelle.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 281-282 ]
« Contacts »

Etre orthodoxe dans le monde occidental
[p. 283-292]
Boris Bobrinskoy

Le mystère de Dieu le Père chez saint Athanase d’Athanase d’Alexandrie
[p. 293-317]
Michel Stavrou

La paternité spirituelle chez les Pères du Désert
[p. 318-325]
Joseph Naumowicz

La Symbolique des couleurs dans l’icône de La Descente du Christ aux Enfers
[p. 326-347]
Hélène Bléré

Chronique
[p. 348-365]
Visite du patriarche œcuménique Bartholomée Ier en France en janvier et février 2007

Bibliographie
[p. 366-391]
• « Apologie pour les chrétiens » – Justin – Introduction texte critique, traduction et notes par Charles Munier
• « Souvenirs d’une enfance au Caucase » – Paul Florensky
• « Bose, la radicalité de l’Évangile » – Robert Masson
• « L’Aube des traducteurs » – de l’hébreu au grec : traducteurs et lecteurs de la Bible des Septannte [IIIe s. av. JC – IVe s.ap. JC]
• « La Sainte et l’incroyante. Rencontres avec Mère Marie » – Dominique Desanti
• « Le Nom grand et glorieux » – La vénération du Nom de Dieu et la prière de Jésus dans la tradition orthodoxe – Mgr Hilarion Alfeyev