Contacts, n° 220

N° 220 – 4e trim. 2007

Liminaire

Le 21 juillet 2007, Élisabeth Behr-Sigel aurait eu cent ans. Pour honorer la mémoire de cette grande dame de l’orthodoxie qui nous a quittés il y a deux ans, une journée lui fut consacrée le 23 juin dernier, à l’institut Saint-Serge, sous la houlette d’Olga Lossky, auteur de l’ouvrage, sorti cet été, « Vers le jour sans déclin » – Une vie d’Élisabeth Behr-Sigel (1907-2005) (éd. du Cerf). C’est avec beaucoup de tendresse et d’amitié qu’une pléiade de personnalités du monde chrétien y ont évoqué celle qui fut la doyenne de l’Église orthodoxe en
France, pionnière du mouvement œcuménique et porte-parole de la question sur la place de la femme dans l’Église. Le père Boris Bobrinskoy, qu’Élisabeth a connu alors qu’il était adolescent, nous brosse dans son intervention le tableau de près d’un siècle de vie, si dense de rencontres et d’événements historiques.

Élisabeth était avant tout une femme de tête : issue du protestantisme, elle a hérité d’une approche rigoureuse des Écritures avant de s’enthousiasmer pour la spiritualité russe. Ainsi que le montre le père Michel Evdokimov, elle a su intégrer de façon authentique la théologie de l’Église d’Orient pour en faire une Tradition vivante, répondant à nos interrogations actuelles. Les études du père Michaël Plekon et de Paul Ladouceur approfondissent les grands thèmes théologiques de la pensée d’Élisabeth, en particulier la notion de laïc et la place de chaque fidèle au sein de la communauté ecclésiale.

Dynamique et audacieuse, la théologienne ne se contentait pas de théoriser : elle fut aussi une femme d’action. Engagée dès ses débuts dans le mouvement œcuménique, Élisabeth ne cessa de prendre une part active dans les différentes initiatives pour un rapprochement entre les chrétiens, notamment par son amitié avec le monastère de Chevetogne, évoquée par Dom Emmanuel Lanne, et sa contribution à la naissance du Carmel oriental Saint-Élie, que raconte Mère Éliane Poirot. Guy Aurenche, président de l’ACAT en même temps qu’Élisabeth, témoigne de sa présence marquante au sein de l’association.

Femme de dialogue, pont entre les différentes traditions chrétiennes, Élisabeth étendit son rôle de conciliatrice au sein de sa propre Église, œuvrant pour le rapprochement entre les différentes communautés et l’avènement d’une expression locale de l’Église à travers la Fraternité orthodoxe. Anne-Marie Graffion évoque avec tendresse l’activité d’Élisabeth au sein de sa paroisse, attentive aux problèmes de chacun, soucieuse de répandre un véritable esprit d’amour communautaire. La question de la place de la femme, sous l’étendard de laquelle Élisabeth a conquis sa notoriété, est le reflet de la mise en pratique concrète de sa réflexion théologique qu’elle mit au service des interrogations contemporaines. C’est au cours d’une rencontre sur cette question, au COE, qu’Amal Dibo a fait sa connaissance. Elle évoque avec émotion leur amitié et l’évolution de la pensée théologique d’Élisabeth, en particulier sur le thème de la femme. Michel Stavrou retrace à son tour les conditions dans lesquelles, autour d’Élisabeth, fut rédigée et envoyée une lettre collective aux primats orthodoxes pour demander la reviviscence de l’ordre des diaconesses.

Personnalité entière, désireuse de vivre sa foi en Christ jusque dans les moindres aspects de sa vie, Élisabeth fut aussi une Babou hors du commun, ainsi que le rappelle son petit-fils Étienne Arnould. La théologienne a eu la grâce de conserver jusqu’au bout son dynamisme et son audace de parole. Olga Lossky, sa biographe, nous livre une émouvante rétrospective des rencontres régulières qu’elle eut avec Élisabeth chez celle-ci, évoquant son rire à la pensée qu’elle était déjà l’amie de Vladimir Lossky, l’arrière-grand-père d’Olga.

Nous rendons aujourd’hui hommage à celle qui fut l’une des chevilles ouvrières les plus fidèles de notre revue, qui durant plus de quarante ans n’a cessé d’enrichir nos volumes d’articles de haute portée théologique et spirituelle ainsi que de recensions bibliographiques éclairantes, tout en animant avec vigueur et humour les réunions de notre comité de rédaction. Mémoire éternelle à Élisabeth !

Contacts

Sommaire

Élisabeth Behr-Sigel (1907-2005)
Une grande figure de l’orthodoxie en France

Liminaire
[p. 393-394]
« Contacts »

Le témoin d’une orthodoxie profonde et libre
[p. 397-402]
Boris Bobrinskoy

Les racines russes de la pensée théologique d’Élisabeth Behr-Sigel
[p. 403-412]
Michel Evdokimov

Rendre son être perméable au Christ
[p. 413-429]
Michael Plekon

Pensée et œuvre d’Élisabeth Behr-Sigel
[p. 430-454]
Paul Ladouceur

Une femme de dialogue, engagée dans le siècle du mouvement œcuménique
[p. 455-458]
Dom Emmanuel Lanne, osb

Elisabeth, Behr-Sigel et le carmel Saint-Élie
[p. 459-466]
Mère Éliane Poirot, ocdi

Quelques reflets de sa présence à l’ACAT
[p. 467-473]
Guy Aurenche

Élisabeth dans sa paroisse de la Crypte
[p. 474-475]
Anne-Marie Graffion

Élisabeth Behr-Sigel « notre Dame »
[p. 476-482]
Amal Dibo

La question du diaconat féminin
[p. 483-490]
Michel Stavrou

« Je me souviens »
[p. 491-497]
Étienne Arnould

Les déjeuners du samedi
[p. 498-502]
Olga Lossky

Bibliographie
[p. 503 -516]
• « Dans la Lumière du Christ – Pensées et instructions » de saint Jean de Cronstadt
• « Grains de lumière : l’apostolat de Jésus et l’eucharistie » par Daniel Cofigny
• « Discours sur les Psaumes » d’Augustin
• « Cet incroyable besoin de croire » parJulia Kristeva