N° 226 – 2e trim.2009
Liminaire
À l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de Contacts, « revue française de l’orthodoxie » – tel est le sous-titre adopté en 1958 – nous ouvrons ce numéro sur le message de Sa Sainteté Bartholomée. Le patriarche adresse au secrétaire du comité de rédaction, Michel Stavrou, ses vœux paternels pour le témoignage d’Église accompli par les fondateurs et leurs héritiers. Ce soutien, avec celui des évêques de France, nous est précieux, il désigne notre volonté d’être toujours au service de l’Évangile et de la Tradition de l’Église, et nous encourage à poursuivre l’œuvre de nos aînés.
Suivent quelques lignes émouvantes d’Olivier Clément, texte inédit rédigé en 2005 – il subissait alors les premières atteintes de la maladie –, et consacré à un thème qui lui était cher : la beauté. Deux articles de fond nous invitent à une réflexion en profondeur sur une approche peu habituelle, et sur une histoire méconnue, de l’icône. Le titre donné par Noël Ruffieux, « Pour que l’icône s’efface devant la Présence », donne le ton de son propos. Il envisage l’icône dans son humilité, sa fragilité même, face au transcendant – ce qui va de soi – mais également face aux « iconophobes ». L’idée est que l’iconophobie a le mérite d’obliger la Tradition à expliciter la pensée de l’Église, rectifier l’attitude des croyants et éviter tout excès dans la vénération. L’auteur commence par un repérage bien documenté des diverses positions : iconoclastes du Moyen Âge, protestants, catholiques, pour bien souligner que l’icône, dans son humilité, tient son pouvoir de sanctification non par elle-même, mais « par la relation qu’elle favorise ». En un sens elle s’efface dans sa visibilité. Icônes, croix, reliques, autels, chants, sont autant de signes capables d’éveiller tous les sens de l’homme pour lui permettre d’aborder le divin dans la totalité de son être, et non exclusivement dans son intellect. Léon Zander remarquait que, dans le Royaume, nous pourrons encore goûter les créations de l’art, écouter du Mozart, contempler du Rembrandt, mais non les icônes, il n’y en aura plus car, dans le rayonnement divin, nous serons tous devenus « icônes ». C’est peut-être là le point extrême de l’humilité de l’icône, simple porte ouvrant sur le Royaume.
Avec « Mandylion ou Camouliana », Jean Roberti nous entraîne dans les méandres d’une histoire, intéressante et complexe, sur l’origine de l’image, ou icône, non faite à la main : acheiropoiète, mandylion, Sainte Face, voile d’Abgar ou de Véronique, tous ces termes masqueront le secret désir de « voir » le vrai visage – ou le corps pour les saints suaires – du Fils de Dieu. Avec une patiente minutie, l’auteur retrace l’historique de ces récits légendaires. Face à l’hypothèse « romaine » où le voile d’Abgar est confondu avec le suaire de Turin, l’auteur désire interroger la Tradition orthodoxe, « la grande absente de ces recherches », fondée sur un récit légendaire douteux, à l’origine d’un foisonnement des icônes « non faites de main d’homme ». Au cours de cette enquête, appuyée sur une vaste documentation, alternent apparitions, disparitions, réapparitions des « modèles » (linge, essuie-main, suaire) au gré des vicissitudes de l’histoire. Le récit méconnu de Camouliana aurait pu jeter un pont entre ces traditions et le voile de Véronique. En définitive, la constitution du « portrait » canonique du Christ est « loin d’être historiquement résolue ».
La journée de commémoration du 60e anniversaire de notre revue s’est tenue le 8 mars 2009 dans les locaux de l’église serbe Saint-Sava, à Paris. Elle fut présidée par le métropolite Emmanuel, entouré de l’archevêque Gabriel et de l’évêque Luka, en présence de 150 personnes environ, venues partager ces moments de souvenir et de réflexion dans un esprit de profonde amitié. Il revenait au père Boris Bobrinskoy, qui se présente comme « le dernier vivant de la première période de l’histoire de Contacts », de tracer l’historique de « l’aventure de la refondation de Contacts en 1959 », lorsque les fondateurs firent appel à de jeunes théologiens dont Olivier Clément, Élisabeth Behr-Sigel et lui-même, pour s’unir dans le témoignage d’une Église diversifiée, mais en quête d’unité ! C’est autour de ce comité que se forma la Fraternité orthodoxe en France, laquelle à son tour contribua à la fondation du Comité inter-épiscopal, devenu ultérieurement Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF).
Dans sa riche intervention, Olga Lossky-Laham, représentant la génération montante, « Contacts, un demi-siècle de dialogue avec le monde contemporain », déploie brillamment un panorama général de la dynamique de la revue Contacts durant ces cinquante dernières années. Pas moins de 200 numéros, 800 articles, dont un noyau d’auteurs fidèles, et des satellites auteurs d’articles occasionnels. L’auteur donne également un intéressant aperçu de la réflexion ecclésiologique de certains auteurs et de leur espoir de voir l’orthodoxie se réunifier, ainsi que de l’important dialogue avec les autres Églises et les mouvements de pensée du monde contemporain.
Pour clore cette journée de commémoration, l’actuel secrétaire de rédaction, Michel Stavrou, dégage avec fermeté « Quelques axes de la ligne éditoriale de Contacts pour les temps à venir ». Dans un esprit de fidélité et de continuité avec les fondateurs, ces axes continueront à privilégier le témoignage de l’orthodoxie dans sa riche diversité culturelle, ainsi que dans un processus d’inculturation sur cette terre d’Occident où Dieu l’appelle à vivre. Le dialogue avec le monde moderne doit se poursuivre en tenant compte des bouleversements en jeu sur le plan mondial, sans oublier le dialogue avec les autres confessions ainsi qu’avec les autres religions. En conclusion, rien ne sera possible « sans une ouverture à la « nouveauté de l’Esprit », pour que celui-ci nous fasse collaborer à cette création qu’attend la nouvelle époque du christianisme », qui, selon le père Alexandre Men, « ne fait que commencer ».
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 89-91]
Message de Sa Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée 1er à l’occasion du 60e anniversaire de la revue Contacts
[p. 92-94]
La vraie beauté
[p. 95-96]
Olivier Clément
Pour que l’icône s’efface devant la Présence
[p. 97-130]
Noël Ruffieux
Mandylion ou Camouliana ?
[p. 131-154]
Jean Roberti
Chronologie
Texte des communications prononcées lors de la célébration du 60e anniversaire de la revue Contacts, le dimanche 8 mars 2009 à Paris
[p. 155-175]
Boris Bobrinskoy, Olga Laham-Lossky, Michel Stavrou
Une thèse de doctorat soutenue par Gohar Haroutiounian à l’université Paris-IV Sorbonne: La christologie des anaphores arméniennes anciennes
[p. 176-177]
André Lossky
Tribune libre
[p. 178-187]
Bibliographie
[p. 188-211]