Contacts, n° 227

N° 227 – 3e trim. 2009

Liminaire

Le 13e Congrès orthodoxe d’Europe occidentale, qui s’est tenu du 30 avril au 3 mai 2009, à Amiens (Somme), était placé sous le thème « La Création remise entre nos mains ». On trouvera, dans ce numéro entièrement consacré aux Actes de cette manifestation triennale, les textes des quatre conférences données en séances plénières par Michel Stavrou, Pierre Bouteneff, Élisabeth Theokritoff et Bertrand Vergely, les textes des interventions du P. Syméon (monastère Saint-Silouane-l’Athonite) et de Bruce Clark, mais également les rapports ou communications des tables rondes et des ateliers, qui nous ont été transmis.

Béni par l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, ce 13e Congrès était organisé par la Fraternité Orthodoxe en Europe Occidentale. Tous les patriarcats ayant des diocèses en Europe occidentale étaient représentés. Participèrent à l’intégralité des sessions l’archevêque Gabriel (Archevêché de tradition russe du patriarcat œcuménique, France) et son auxiliaire, l’évêque Basile (Oxford, Grande-Bretagne), le métropolite Joseph (patriarcat de Roumanie, France), le métropolite Séraphin (patriarcat de Roumanie, Allemagne) et l’évêque Athénagoras (auxiliaire du diocèse du patriarcat œcuménique en Belgique). Le dernier jour du congrès, le métropolite Emmanuel, évêque du diocèse du patriarcat œcuménique en France et président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, devait présider la liturgie et lire un message du patriarche Bartholomée qui tenait à rappeler aux participants le caractère essentiel de la réflexion concernant la sauvegarde de la création. L’évêque catholique d’Amiens, Mgr Jean-Luc Bouilleret, devait également honorer le congrès de sa présence.

Plus de sept cents participants, dont de nombreux jeunes et enfants, étaient venus de différents pays d’Europe, tant de l’Ouest (Belgique, France, Grande-Bretagne, Grèce, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne) que de l’Est (Russie, Ukraine, Roumanie, Bulgarie), dans une ambiance conviviale, pour réaffirmer l’enracinement des orthodoxes ici et maintenant, appelés à vivre la foi apostolique au sein de la société occidentale. Quatre conférences plénières, trois tables rondes et une vingtaine d’ateliers de réflexion ont permis aux participants de réfléchir sur les défis auxquels l’Église est appelée à répondre « pour la vie du monde ». À la fin de la dernière journée du congrès, une partie des participants se sont retrouvés pour une prière d’action de grâce dans la cathédrale d’Amiens, qui abrite le chef de saint Jean-Baptiste, ramené de Constantinople en 1206.

Le congrès s’est articulé autour de quatre conférences plénières (avec traduction simultanée en français, anglais, allemand et néerlandais). Présentée par Michel Stavrou, la première communication intitulée « Le mystère de la Création » a permis d’introduire le thème général du congrès. Dans un exposé très dense, Michel Stavrou a tout d’abord donné, à partir d’une approche biblique et patristique, une lecture de « la vocation de l’homme » au sein de la Création, une vocation dont l’accomplissement se réalise en Christ par l’Incarnation et la Résurrection, soulignant ensuite combien aujourd’hui « la crise écologique semble résulter de deux facteurs théologiques concourants : l’expulsion de Dieu, et l’éloignement de l’homme hors du monde », avant de proposer « la voie philocalique comme chemin spirituel » pour restaurer l’image déchue de l’homme et sanctifier l’ensemble de la création.

Dans sa communication, Pierre Bouteneff, professeur à l’Institut Saint-Vladimir à New York, a centré la réflexion sur la condition de l’homme, à la fois marquée par la chute originelle, mais aussi créée à l’image de Dieu. À partir de la question « Adam, où es-tu ? » ; il a souligné le paradoxe dans lequel s’inscrit notre vie, en tension permanente entre la joie résurrectionnelle qui fait de nous des citoyens du Royaume et le monde de mort dans lequel nous vivons encore. Ce paradoxe s’incarne dans la polarisation entre l’ancien Adam déchu et le nouvel Adam qu’est le Christ mort et ressuscité. Développant les enjeux de cette polarisation, P. Bouteneff a souligné que le vieil Adam, notre ancêtre, représente nos potentialités déchues, ouvrant sur le péché et la mort, tandis que le Christ nous ouvre la voie de l’union à Dieu dès lors que nous choisissons de tendre vers cette réalité rachetée. Élisabeth Theokritoff, enseignante à l’Institut d’études orthodoxes de Cambridge (Grande-Bretagne), s’est efforcée, à son tour, de montrer comment l’Église peut participer à la prise de conscience écologique actuelle, en insistant sur les modalités du passage d’une économie de consommation à une économie de communion.

Le philosophe Bertrand Vergely, maître de conférences à l’Institut Saint-Serge, a présenté la dernière communication plénière sur le thème « Vers la transfiguration du quotidien ». Il a évoqué la question des origines, à laquelle la réponse chrétienne permet de donner son sens véritable. Il s’agit d’être parti prenante du monde, de s’émerveiller sans cesse devant lui afin de progressivement s’approcher de la réalité spirituelle qui est celle de l’omniprésence divine. « Nous apprenons Dieu dans le mystère de l’inconcevable », a-t-il dit. Dans cette perspective, l’homme n’est pas une individualité achevée, mais un être en commencement appelé à vivre selon la vocation que Dieu nous a assignée lors de la création.

Dans une forte intervention sur le monachisme, le père Syméon, supérieur du monastère Saint-Silouane-l’Athonite, à Saint-Mars-de-Loquenay (Sarthe), a évoqué la vocation des moines, appelés à établir un plus juste rapport envers la création, selon ce que Dieu a ordonné à Adam, et de devenir ainsi un exemple pour le monde. Le monastère peut alors constituer un lieu harmonieux d’accueil de la nature, des animaux, mais surtout de l’homme blessé. Le journaliste anglais Bruce Clark a exposé, pour sa part, de façon très pédagogique, le combat permanent du patriarche Bartholomée en faveur de l’environnement.

Dans la soirée du 1er mai, une séance d’hommage à notre ami de mémoire éternelle le théologien et historien orthodoxe Olivier Clément. Cette soirée, animée par le père Jean Gueit, recteur de la cathédrale de Nice et ancien secrétaire général de la Fraternité orthodoxe, a donné l’occasion de rappeler la guidance qu’exerçait celui qui fut aussi l’un des fondateurs et animateurs de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Après l’audition de la bande sonore du 4e Congrès orthodoxe d’Europe occidentale, qui s’était tenu à Avignon, en 1980, grâce à laquelle la voix vibrante d’Olivier a résonné dans l’amphithéâtre d’Amiens, et la lecture de poèmes tirés de son recueil Déracine-toi et plante-toi dans la mer, nombreux furent ceux qui vinrent témoigner de leur amitié avec le théologien.

En marge des sessions plénières, les participants ont pu se retrouver en groupes lors de trois tables rondes et d’ateliers de réflexion portant sur les thèmes les plus variés. Vécus au rythme de la prière, ces trois jours ont trouvé leur point culminant dans la liturgie eucharistique dominicale, concélébrée par tous les évêques présents, entourés d’une dizaine de prêtres et de diacres et de tous les congressistes, chantée en français, néerlandais, grec, slavon, roumain, allemand et anglais.

A l’issue de ce congrès, les participants ont adressé un message pressant au patriarche œcuménique Bartholomée Ier : « Ensemble, nous avons vécu l’unité ecclésiale […]. Cependant, revenant demain dans nos paroisses marquées par les fragmentations juridictionnelles, l’ignorance mutuelle, nous souffrirons d’autant plus du décalage entre cette unité catholique que nous avons vécue, et l’état de désorganisation et de passivité de nos réalités ecclésiales, que nous dénonçons et dont nous souffrons depuis le premier congrès à Annecy en 1971. Nous avons été informés que, dans quelques semaines, se tiendra, à Genève, une réunion préparatoire préconciliaire qui abordera la difficile question de l’organisation de la présence orthodoxe en Occident. Nous plaçons notre espoir dans nos évêques pour la mise en conformité de cette organisation avec l’ecclésiologie de communion que nous confessons et que nous venons de vivre durant ces trois jours », écrivent-ils, avant d’ajouter : « Nous [vous] prions d’entendre l’urgence de ce message et la détresse qui s’y exprime, et vous supplions pour que nos attentes soient prises directement en considération. »

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 213-216]

Le mystère de la Création
[p. 217-235]
Michel Stavrou

« Adam, où es-tu? »
[p. 236-250]
Pierre Bouteneff

Crise écologique et témoignage chrétien: défi pour l’Église
[p. 251-268]
Élisabeth Theokritoff

Transfigurer la vie quotidienne
[p. 269-294]
Bertrand Vergely

Monachisme et création
[p. 295-300]
archim. Syméon Cossec

Le combat du patriarche Bartholomée pour l’environnement
[p. 301-305]
Bruce Clark

Tables rondes
[p. 306-315]

Ateliers
[p. 316-356]

Message final adressé à SS le patriarche Bartholomée Ier
[p. 357-358]

Bibliographie
[p. 359-371]