Contacts, n° 234

N° 234 – 2e trim. 2011

Liminaire

Le printemps des pays arabes continue à s’étendre avec force, notamment en Libye, au Yémen et en Syrie où les horreurs d’un régime policier aux abois se révèlent chaque jour. Cette lutte exemplaire et terrible contre des régimes oppressifs, poursuivie par tant de citoyens arabes pour obtenir la liberté d’opinion et des conditions de vie décentes, nourrit des espoirs et des craintes quant à la situation des chrétiens orientaux. La rupture des équilibres précaires obtenus naguère suscite évidemment l’inquiétude face à un avenir de plus en plus incertain. Il faut espérer que, dans un monde en pleine mutation, les Églises pourront préserver leur place reconnue et leur influence discrète mais réelle dans des sociétés où peu à peu la pluralité acquiert une certaine légitimité. C’est dans ce contexte que nous désirons rendre hommage, par ce volume, aux chrétiens du Patriarcat d’Antioche, présents surtout au Liban et en Syrie, mais dont le rayonnement s’étend bien au-delà. Rappelons qu’après la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement laïc de la Jeunesse Orthodoxe (MJO) a été à l’origine d’un grand renouveau de la vie chrétienne, notamment dans le travail catéchétique, social et médical, qui s’est propagé jusque dans la diaspora orthodoxe. Ses deux membres les plus connus sont l’actuel patriarche Ignace IV (élu en 1979) et le métropolite Georges Khodr, célèbre pour ses ouvrages et articles de réflexion et de spiritualité parus en français et en arabe.

Intitulé « Prêtres et laïcs entre le Nouveau Testament et les pratiques actuelles », le premier texte de ce volume, rédigé par le théologien laïc libanais Raymond Rizk, offre une belle et solide synthèse des évolutions complexes de la catégorisation prêtres / laïcs dans l’histoire de l’Église. Il met en regard la conscience clairement attestée du sacerdoce royal de tous les baptisés, transmise dans le Nouveau Testament et confirmée par la vie liturgique et sacramentelle, avec l’affirmation d’une conception hiérarchique de l’Église, tôt établie puis confirmée, parfois de façon problématique, dans le cadre de l’empire romain christianisé. Après les travaux d’Afanassieff et de Zizioulas, il convient de retrouver et partager une vision organique de l’Église, où les clercs ne soient jamais considérés comme séparés du corps des fidèles avec qui ils concélèbrent la liturgie et entretiennent une relation de diaconie et non de domination : « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et Maître, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14).

Dans « Théologie orthodoxe et modernité », Georges Nahas, doyen honoraire de l’Institut de théologie orthodoxe de Balamand (Liban), réfléchit de façon originale et à partir d’exemples concrets à la question de l’adaptation de la pensée orthodoxe au dialogue avec le monde d’aujourd’hui. L’une des questions les plus importantes pour les chrétiens du Moyen-Orient est l’établissement et le renforcement d’un véritable dialogue avec l’islam. Depuis plus de treize siècles, les orthodoxes sont familiers de la présence de l’islam, avec lequel la coexistence quotidienne est généralement bonne en dehors des périodes de crise, mais le dialogue n’est pas facile. C’est ce que présente Georges Massouh, islamologue disciple de Mgr Georges Khodr, dans une étude bienveillante et lucide sur « Le dialogue théologique entre chrétiens et musulmans au Moyen-Orient ». Enfin, dans « La théologie orthodoxe interpelée par l’herméneutique moderne », le professeur Assaad Elias Kattan revient sur la question importante du critère ultime d’interprétation en théologie, à notre époque de transition entre modernité et postmodernité, à la lumière des acquis récents de Gadamer et Ricœur. Soucieux de ne pas se limiter aux considérations philosophiques, il renvoie finalement à l’expérience ecclésiale du Saint-Esprit.

Autant d’études qui illustrent la vitalité et le souci d’adaptation de la réflexion théologique au sein du Patriarcat d’Antioche en ces temps de recomposition. Toute la rédaction de Contacts souhaite à ses fidèles abonnés un été reposant et paisible.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 109-110]

Prêtres et laïcs entre le Nouveau Testament et les pratiques actuelles
[p. 111-151]
Raymond Rizk

Théologie orthodoxe et modernité
[p. 152-167]
Georges Nahas

Le dialogue théologique entre chrétiens et musulmans au Moyen-Orient
[p. 168-179]
Georges Massouh

La théologie orthodoxe interpelée par l’herméneutique moderne
[p. 180-196]
Assaad Elias Kattan

Chronique
[p. 197-227]

Bibliographie
[p. 228-259]