Contacts, n° 244

N° 244 – 4e trim. 2013

Liminaire

« Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera » (Mc 8,34). Le Christ appelle ses disciples à une sorte de dépossession de soi, dans une mort-résurrection vécue à sa suite, pour acquérir la vraie liberté des enfants de Dieu, et vivre en plénitude de celui qui est Vie et Vérité : « Moi je vis et vous, vous vivrez » (Jn 14,19). Au cœur du terrible XXe siècle, qui aura été celui des grandes idéologies mangeuses d’hommes, d’abord le nationalisme avec l’horreur de la Première Guerre mondiale, puis le communisme et le fascisme, avec tous leurs avatars, stalinisme, nazisme, etc, il y eut des hommes et des femmes refusant de cautionner l’idolâtrie ou de céder à la peur. Certains, qui croyaient au Ciel, allaient même jusqu’à indiquer la lumière au milieu des ténèbres ; ils n’étaient pas la Lumière mais ils devaient « rendre témoignage à la Lumière » (Jn 1,8). C’est à quelques-unes de ces figures de témoins de la foi que ce volume de Contacts est consacré.

Accessible pour la première fois en langue française, le premier texte de cette livraison, rédigé par l’écrivaine russe Nadejda Lokhvitskaïa, est un témoignage direct et vivant qui nous permet de découvrir la belle âme de saint Élie Fondaminsky (1880-1942), canonisé par l’Église orthodoxe en 2004 (voir Contacts, 208, 4e trim. 2004, p. 319-320 et l’article de N. Struve : « Une sainte vie, une sainte mort : Élie Fondaminsky », p. 371-376). On est frappé par l’extraordinaire fraîcheur d’un homme bon, simple et rayonnant qui, par beaucoup d’aspects, évoque la figure du prince Mychkine dans L’Idiot de Dostoïevski. Comme Socrate face à ses juges (iniques), il refuse les projets d’évasion préparés par ses amis : finalement, il s’en remet paisiblement à la Providence et continue à aider ses proches dans le camp d’internement de Compiègne-Royallieu jusqu’à son transfert vers Auschwitz.

Le deuxième article de ce volume est consacré à Alla Matheo (1893-1942), femme remarquable de la diaspora orthodoxe russe en France dont Michèle Bordier-Nikitine nous dresse le portrait, illustré par des documents en annexe. À bien des égards, cette chrétienne engagée, victime de la barbarie nazie, rappelle sainte Marie (Skobtsov) de Paris, mais, à la différence de cette dernière, elle a été injustement oubliée après la Dernière Guerre. De son oblation dans le « sacrement du frère », de son dévouement inlassable à « toutes les œuvres de secours aux pauvres et aux malheureux », le métropolite Euloge témoigna pourtant par une déclaration – arrivée malheureusement trop tard – aux autorités françaises pétainistes. « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive s’écouleront de son sein » (Jn 7,37). On ne peut s’empêcher d’établir un lien entre la diaconie d’Alla Matheo et le service inlassable auprès des réfugiés dont s’honora récemment et jusqu’à sa mort son petit-fils Serge Nikitine (voir Chronique, p. 697).

Dans un autre univers totalitaire, l’enfer des camps soviétiques, Jim Forest nous transmet à travers une interview le témoignage bouleversant d’un rescapé du Goulag, Alexandre Ogorodnikov, l’un des plus célèbres dissidents chrétiens de l’Union soviétique. Celui-ci, après s’être converti en visionnant le film de Pasolini « L’Évangile selon saint Matthieu », fonda un réseau de prière dans toute l’URSS ; arrêté par le KGB, condamné aux camps de travail en Sibérie, il reçut la force de confesser l’Évangile dans la fosse aux lions. Son parcours, qui illustre bien l’adage de Tertullien (IIIe siècle) : « On ne naît pas chrétien, on le devient », montre aussi le primat et la force de la prière dans la vie chrétienne.

Quatrième figure de témoin de la foi au XXe siècle, dans un contexte encore différent, celle d’un grand évêque du Patriarcat de Constantinople, le métropolite Méliton de Chalcédoine, qui aurait eu 100 ans cette année. Promoteur infatigable de l’unité panorthodoxe et de la réconciliation œcuménique, comme le montre Michel Stavrou dans son article bien informé, il fut confronté toute sa vie aux pressions insidieuses d’un pouvoir turc bien décidé à marginaliser des minorités chrétiennes qui, dans leur diversité, échappent à l’épure nationaliste de la Turquie moderne. Mgr Méliton, à qui le pape Paul VI avait, en 1975, embrassé les pieds en signe de réconciliation, se heurta aussi à l’hostilité des cercles fondamentalistes de l’Église de Grèce, qui, avec un zèle mal éclairé, dénoncent aujourd’hui encore l’ouverture œcuménique du Patriarcat de Constantinople. Rien n’entama jamais la détermination de cet évêque qui œuvrait de façon décisive pour la paix et l’unité chrétienne, non par effet de mode mais en référence à l’Évangile. Homme de foi authentique, il n’hésitait pas à bousculer le conservatisme bien-pensant ou le moralisme hypocrite et avait pour devise : « Dieu n’est pas l’ordre établi, Il est aventure. »

Toute la rédaction de Contacts souhaite à ses fidèles abonnés un joyeux chemin de l’Avent vers la Nativité du Sauveur et la Théophanie. Comme le chante le tropaire de Noël :

« Ta Nativité, ô Christ notre Dieu,
a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance.
En elle les serviteurs des astres, enseignés par l’étoile,
apprennent à t’adorer toi Soleil de justice
et à te connaître Orient venu d’En haut ;
Seigneur, gloire à Toi ! »

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Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 641-643]

Saint Élie Fondaminsky – Le témoignage d’une contemporaine
[p. 644-656]
Nadejda Lokhvitskaïa

Alla Erofeevna Matheo (1893-1942), Présidente du Comité d’aide sociale aux émigrés russes (1930-1939)
[p. 657-670]
Michèle Bordier-Nikitine

À la recherche de Kitèje : Entretien avec Alexandre Ogorodnikov
[p. 671-682]
Jim Forest

L’inoubliable métropolite Méliton de Chalcédoine (1913-1989), artisan de l’unité panorthodoxe et de la réconciliation œcuménique
[p. 683-696]
Michel Stavrou

Chronique
[p. 697-714]

Bibliographie
[p. 715-735]

Tables
[p. 736-739]