Contacts, n° 245

N° 245 – 1er trim. 2014
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Liminaire

En 1997, la revue Contacts avait publié un volume spécial intitulé « Alexandre Men, prêtre et martyr ». Dix-sept ans après, il nous semble opportun de rappeler le message de ce martyr, grand témoin du christianisme au XXe siècle, dans un numéro spécial constitué, pour l’essentiel, d’articles parus dans la revue Christianos. Cette revue, annuelle, qui se présente comme un Almanach, avait été fondée par le père Alexandre Men juste avant son assassinat, le 9 septembre 1990, sur le chemin de l’église où il allait célébrer la liturgie dominicale et au lendemain de la conférence publique qui allait entrer dans la mémoire chrétienne sous le titre « Le christianisme ne fait que commencer » . Le père Alexandre Men en avait confié la rédaction à Nathalie Bolchakov qui en est toujours la rédactrice aujourd’hui. Depuis 1991, vingt-deux numéros sont parus en russe, à raison d’un numéro par an.

Chaque Almanach de cette revue, en dialogue avec les autres traditions chrétiennes, le judaïsme et même l’athéisme, est centré sur un thème de l’œuvre du père Alexandre Men. Les thèmes abordés sont caractéristiques de son héritage : le numéro IX, paru durant l’été 2000, contenait une histoire de la fondation de l’Abbaye de Chevetogne, un récit du destin du prêtre polonais Eugène Popieluszko, assassiné en 1984 par le KGB, des articles de spirituels russes sur l’unité de l’Église. La question du bien et du mal était le thème du numéro XVIII. Le numéro XX, paru en décembre 2011, était consacré à l’unité et pas seulement entre chrétiens. Le numéro XXI, paru en décembre 2012, était centré sur la Bible, à laquelle le Père Alexandre a consacré une partie importante de son travail d’exégèse. La revue donne la parole au cardinal André Vingt-Trois et à des moniales ou des témoins de l’Église catholique et portant leur témoignage en Israël. La Lumière du monde, la mort, le Royaume de Dieu, voilà quelques thèmes de ces gros numéros de plus de trois cents pages, qui laissent aussi place à des articles inspirés par l’actualité chrétienne (à l’occasion du décès du Père Georges Tchistiakov, par exemple).

Nous avons choisi dans les articles de Christianos un échantillon d’articles portant sur la personnalité et l’œuvre du père Alexandre Men. Longtemps confiné et considéré comme marginal dans l’Église orthodoxe russe, attaqué par son aile traditionaliste, il revient maintenant dans l’« espace public orthodoxe » comme l’explique le père Philippe Parfenov dans l’article qu’il a consacré au père Alexandre dans le numéro XIX de Christianos et que nous reprenons dans ce volume.

La pensée du père Alexandre Men est marquée par le lieu et l’époque dans lesquels elle a été formulée. Il s’agit de la Russie soviétique des années 1970-1980 où les recherches et les débats, tant dans le domaine philosophique que dans celui de la politique étaient très différents des questions que l’on se posait à la même époque en Occident. En URSS, il s’agit surtout des relations entre la foi et la religion, un thème très soviétique à l’époque mais considéré comme dépassé depuis longtemps en Occident. De même l’historicité du Christ, niée par la propagande soviétique antireligieuse, sera un thème de discussion important.

L’étendue de l’œuvre du père Alexandre Men et son importance sont décrites par Nathalie Bolchakov.

La réception du père Alexandre Men et son rayonnement sont bien illustrés par les textes de qualité exceptionnelle de p. Vladimir Zelinsky, Serge Averintsev et p. Philippe Parfenov. De fait, le témoignage du père Alexandre Men est porté par son souci pastoral et par sa personnalité bien plus encore, aujourd’hui, en Occident, que par ses écrits. Mais son Jésus, le Maître de Nazareth, une introduction lumineuse à la vie du Seigneur, n’a guère d’équivalent. Les lecteurs ne s’y sont pas trompés, qui ont fait de ce livre un succès mondial – des millions d’exemplaires annoncés sur la page de couverture – dans toutes les langues dans lesquelles il a été publié.

Tout autant que ses écrits, le témoignage du père Alexandre Men passe par sa personne et son souci pastoral pour des fidèles qu’il connaît bien. Il sait parler et communiquer la soif de la découverte du Christ et raconter sa vie avec sérieux et profondeur, ce qui pousse les lecteurs à approfondir leur découverte et finalement à se convertir, ce qui vaudra au père Alexandre d’être considéré comme le « missionnaire de la tribu des intellectuels ».

Comme le soulignait Olivier Clément (Contacts, 177, 1997, p. 2), le p. Alexandre Men « a rédigé une œuvre historique, philosophique et théologique dont nous découvrons de plus en plus l’importance. Non seulement en bibliste averti, il a souligné les racines juives du christianisme et, sans jamais la séparer de sa divinité, l’entière humanité de Jésus, mais il a, dans la lignée de Soloviev, tenté d’élucider le devenir religieux de toute l’humanité, montrant que le christianisme assume et dépasse des attitudes ‘religieuses’, en réalité universelles. »

Nous voulons ainsi associer à la mémoire du p. Alexandre celle d’Olivier Clément, endormi dans la paix du Christ il y a juste cinq ans, le 15 janvier 2009 : notre ami, collaborateur et principal inspirateur de cette revue lors de son nouveau départ en 1959, fut l’illustre théologien que l’on sait, dont l’œuvre poursuit également son chemin de réception. Que leur mémoire à tous deux soit éternelle !

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 3-8]

Le père Alexandre Men (1935-1990) : un prêtre pour notre temps
[p. 9-19]
Michel Evdokimov

Lettre ouverte au père Alexandre Men
[p. 20-55]
Vladimir Zelinsky

Au sommet de la colline se tient la croix
[p. 56-59]
Serge Averintsev

Au seuil du Nouveau Testament: De l’époque d’Alexandre le Grand à la mission de Jean Baptiste : Nouveaux temps, nouvelle lutte
[p. 60-73]
Alexandre Men

Vingt ans après : le difficile retour d’un nom
[p. 74-90]
Philippe Parfenov

Les enseignements du père Alexandre
[p. 91-95]
Vsevolod Tchapline

Le père Alexandre Men et la renaissance de la culture chrétienne dans l’espace post-soviétique
[p. 96-108]
Nathalie Bolchakov

Bibliographie
[p. 109-124]