N° 254 – 2e trim. 2016
Liminaire
Le Christ est ressuscité !
L’annonce radieuse de la résurrection du Sauveur, prémisses de notre vie nouvelle, est la plus brûlante des actualités. Non qu’elle invite à oublier les drames humains, que l’information continue ne cesse de nous communiquer et dont nous sommes parfois nous-mêmes les acteurs, mais elle les éclaire d’une lumière nouvelle, jaillie du tombeau vide. Dans ce rayonnement divin, nous sommes invités à voir la véritable finalité des êtres, à entrer dans la perspective pascale de l’existence qui ne s’arrête pas à l’horizon des tragédies secouant notre planète.
Cette actualité de la Résurrection ne date pas d’hier puisque, dès avant la mort-résurrection du Christ, les juifs cultivaient déjà la foi dans le retour des morts à la vie. L’article très fouillé de Sandrine Caneri qui ouvre ce volume s’attache à mettre cela en évidence. Dans une démarche originale et éclairante, elle compare les traditions chrétienne et juive au sujet de la résurrection à propos de la controverse de Jésus avec les Sadducéens. La bibliste nous ouvre ici des horizons inexplorés, montrant d’une part l’importance de la contextualisation de l’enseignement du Christ par le recours à la tradition juive, d’autre part la convergence étonnante que l’on constate entre tradition patristique et midrash.
Cette actualité de la Résurrection ne date pas d’hier puisque, dès avant la mort-résurrection du Christ, les juifs cultivaient déjà la foi dans le retour des morts à la vie. L’article très fouillé de Sandrine Caneri qui ouvre ce volume s’attache à mettre cela en évidence. Dans une démarche originale et éclairante, elle compare les traditions chrétienne et juive au sujet de la résurrection à propos de la controverse de Jésus avec les Sadducéens. La bibliste nous ouvre ici des horizons inexplorés, montrant d’une part l’importance de la contextualisation de l’enseignement du Christ par le recours à la tradition juive, d’autre part la convergence étonnante que l’on constate entre tradition patristique et midrash.
À son tour, le théologien libanais Assaad Kattan nous entraîne dans une réflexion rigoureuse sur la présence secrète du Verbe de Dieu en l’homme et dans le monde selon la synthèse christologique de saint Maxime le Confesseur, l’un des Pères de l’Église les plus profonds (VIIe siècle). On découvre ainsi que ce rayonnement de Dieu dans notre monde, dont l’incarnation du Christ est le moment le plus fort, le plus éclatant, se manifeste également dans l’ensemble de la création où nous sommes appelés à le déchiffrer en toute liberté : « Cela même qui a été donné à voir reste encore totalement caché et n’est nullement connu… », souligne saint Maxime.
Un discernement doit être sans cesse opéré par chacun, dans son déchiffrement non seulement du monde extérieur, mais aussi de son monde intérieur, et dans la relecture de ses actes. C’est ce que le père Michel Evdokimov rappelle dans un bel article qui présente la vision de la confession chez un des plus grands pasteurs orthodoxes du XXe siècle, l’évêque Antoine Bloom. Il souligne que cette démarche de repentir se doit d’être permanente : il faut se convaincre que Dieu accueille toujours celui qui se repent.
Discerner et manifester la présence de Dieu dans le monde actuel, telle est la démarche missionnaire à laquelle nous invite à son tour Jean-Claude Polet dans un entretien accordé à un journaliste roumain sur le thème « Conscience orthodoxe et pensée pragmatique ». Cet universitaire belge orthodoxe remet en perspective la position de la foi chrétienne face au monde pour suggérer ce que pourrait être une position orthodoxe contemporaine. Comment revivre et faire vivre l’incessante nouveauté de l’Évangile du Christ ? Tel est le défi qui est lancé à l’Église chrétienne.
La réflexion lucide et courageuse du théologien grec Pantélis Kalaïtzidis, dans le dernier texte de ce volume, pose la question aiguë du dialogue inéluctable entre l’orthodoxie et le monde contemporain. Dialogue auquel, déjà au XIXe siècle, Dostoïevski et Boukharev appelaient dans une Russie en transformation, et qui, depuis lors, n’a guère été vraiment esquissé – pour toutes sortes de raisons, historiques, culturelles et géo-politiques –, si l’on excepte quelques îlots de l’orthodoxie en Occident tels que l’École orthodoxe de Paris, avec des penseurs comme Nicolas Berdiaev, Paul Evdokimov, Olivier Clément. Un peu partout, face à la modernité qui s’est inscrite peu à peu dans le quotidien des pays de tradition orthodoxe, s’instaure parmi les chrétiens une « double culture » plus ou moins schizoïde, suscitant la coalescence paradoxale entre une tradition religieuse intemporelle, idéalisée, et le monde évanescent des slogans idéologiques et commerciaux, des réseaux et nouvelles technologies. Il s’ensuit souvent une dénonciation de la modernité, qui retourne contre celle-ci ses propres outils au plan technologique et intellectuel. Pantélis Kalaïtzidis, à la suite du professeur Astérios Argyriou (Université de Strasbourg) dans un autre article paru dans Contacts n° 217, 1er trim. 2007, établit un parallèle pertinent entre l’orthodoxie et l’islam contemporains, qui souffrent du même rapport problématique à la modernité. Cela peut expliquer en partie nombre de dérives, nationalistes ou autres, sources de violences. Précisons que cette réflexion stimulante a été menée avant les attentats terribles qui ont récemment été perpétrés dans le monde entier par les serviteurs de l’« État islamique ».
Une orthodoxie enfin en dialogue avec l’actualité de notre monde globalisé : tel est l’espoir que pourrait susciter le Concile panorthodoxe, attendu depuis si longtemps, qui se déroulera en principe du 16 au 27 juin 2016 en Crète, durant l’octave de la Pentecôte. Certes, les documents préparatoires de ce concile ont été pour une grande part source de déception et ne permettent guère d’augurer, à vue humaine, un message stimulant pour l’époque de transformations radicales où nous vivons. Toutefois, même si les fidèles orthodoxes semblent avoir été oubliés dans un processus réduit peu à peu à une affaire institutionnelle, beaucoup d’entre eux gardent toute leur attention et leur prière focalisées vers un événement qui pourrait s’avérer historique : même si un message ferme, consistant et audible ne s’en dégageait pas forcément, cette rencontre constituerait le premier concile de l’Église orthodoxe à l’ère de la modernité. Étape importante qui pourrait être saluée comme telle, offrant une image symbolique d’unité. Comme le rappelait naguère notre collaboratrice et amie, la théologienne Élisabeth Behr-Sigel : « Le concile n’est pas seulement un moyen de prendre collégialement des décisions importantes, il est aussi et même surtout une célébration commune de l’unité, une manifestation particulièrement éclatante de la vie ecclésiale comme participation, par l’Esprit et dans l’Esprit, à la vie du Dieu Un, Père, Fils et Saint-Esprit ».
Un discernement doit être sans cesse opéré par chacun, dans son déchiffrement non seulement du monde extérieur, mais aussi de son monde intérieur, et dans la relecture de ses actes. C’est ce que le père Michel Evdokimov rappelle dans un bel article qui présente la vision de la confession chez un des plus grands pasteurs orthodoxes du XXe siècle, l’évêque Antoine Bloom. Il souligne que cette démarche de repentir se doit d’être permanente : il faut se convaincre que Dieu accueille toujours celui qui se repent.
Discerner et manifester la présence de Dieu dans le monde actuel, telle est la démarche missionnaire à laquelle nous invite à son tour Jean-Claude Polet dans un entretien accordé à un journaliste roumain sur le thème « Conscience orthodoxe et pensée pragmatique ». Cet universitaire belge orthodoxe remet en perspective la position de la foi chrétienne face au monde pour suggérer ce que pourrait être une position orthodoxe contemporaine. Comment revivre et faire vivre l’incessante nouveauté de l’Évangile du Christ ? Tel est le défi qui est lancé à l’Église chrétienne.
La réflexion lucide et courageuse du théologien grec Pantélis Kalaïtzidis, dans le dernier texte de ce volume, pose la question aiguë du dialogue inéluctable entre l’orthodoxie et le monde contemporain. Dialogue auquel, déjà au XIXe siècle, Dostoïevski et Boukharev appelaient dans une Russie en transformation, et qui, depuis lors, n’a guère été vraiment esquissé – pour toutes sortes de raisons, historiques, culturelles et géo-politiques –, si l’on excepte quelques îlots de l’orthodoxie en Occident tels que l’École orthodoxe de Paris, avec des penseurs comme Nicolas Berdiaev, Paul Evdokimov, Olivier Clément. Un peu partout, face à la modernité qui s’est inscrite peu à peu dans le quotidien des pays de tradition orthodoxe, s’instaure parmi les chrétiens une « double culture » plus ou moins schizoïde, suscitant la coalescence paradoxale entre une tradition religieuse intemporelle, idéalisée, et le monde évanescent des slogans idéologiques et commerciaux, des réseaux et nouvelles technologies. Il s’ensuit souvent une dénonciation de la modernité, qui retourne contre celle-ci ses propres outils au plan technologique et intellectuel. Pantélis Kalaïtzidis, à la suite du professeur Astérios Argyriou (Université de Strasbourg) dans un autre article paru dans Contacts n° 217, 1er trim. 2007, établit un parallèle pertinent entre l’orthodoxie et l’islam contemporains, qui souffrent du même rapport problématique à la modernité. Cela peut expliquer en partie nombre de dérives, nationalistes ou autres, sources de violences. Précisons que cette réflexion stimulante a été menée avant les attentats terribles qui ont récemment été perpétrés dans le monde entier par les serviteurs de l’« État islamique ».
Une orthodoxie enfin en dialogue avec l’actualité de notre monde globalisé : tel est l’espoir que pourrait susciter le Concile panorthodoxe, attendu depuis si longtemps, qui se déroulera en principe du 16 au 27 juin 2016 en Crète, durant l’octave de la Pentecôte. Certes, les documents préparatoires de ce concile ont été pour une grande part source de déception et ne permettent guère d’augurer, à vue humaine, un message stimulant pour l’époque de transformations radicales où nous vivons. Toutefois, même si les fidèles orthodoxes semblent avoir été oubliés dans un processus réduit peu à peu à une affaire institutionnelle, beaucoup d’entre eux gardent toute leur attention et leur prière focalisées vers un événement qui pourrait s’avérer historique : même si un message ferme, consistant et audible ne s’en dégageait pas forcément, cette rencontre constituerait le premier concile de l’Église orthodoxe à l’ère de la modernité. Étape importante qui pourrait être saluée comme telle, offrant une image symbolique d’unité. Comme le rappelait naguère notre collaboratrice et amie, la théologienne Élisabeth Behr-Sigel : « Le concile n’est pas seulement un moyen de prendre collégialement des décisions importantes, il est aussi et même surtout une célébration commune de l’unité, une manifestation particulièrement éclatante de la vie ecclésiale comme participation, par l’Esprit et dans l’Esprit, à la vie du Dieu Un, Père, Fils et Saint-Esprit ».
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 129-131]
Au sujet de la résurrection des morts la controverse de Jésus avec les Sadducéens
(Mc 12, 18-27)
[p. 132-150]
Sandrine Caneri
Notes sur l’approche christologique de l’homme et de la création chez saint Maxime le Confesseur
[p. 151-160]
Assaad Elias Kattan
Le sacrement de la confession d’après les homélies et entretiens du métropolite Antoine Bloom
[p. 161-169]
Michel Evdokimov
Conscience orthodoxe et pensée pragmatique
[p. 170-186]
Jean-Claude Polet
Orthodoxie et islam : de la modernité à la mondialisation
[p. 187-214]
Pantélis Kalaïtzidis
Chronique
[p. 215-234]
Bibliographie
[p. 235-247]