N° 263 – 3e trim.2018
Liminaire
Comment vivre et partager la conciliarité ecclésiale ?
À l’occasion du centenaire du Concile de Moscou (1917-1918), un grand colloque théologique et œcuménique sur la réception de ce concile important a été organisé à Paris du 8 au 10 décembre 2017 par l’Institut Saint-Serge (Paris), en partenariat avec l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg (Suisse), l’ACER-MJO (Paris) et la revue de théologie orthodoxe Contacts. Ce colloque qui a rassemblé plus de 120 personnes autour de 24 conférenciers venus de douze pays (France, Allemagne, Belgique, Chypre, États-Unis, Hongrie, Italie, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Suisse, Ukraine) était en soi un événement considérable montrant la vitalité de l’Institut Saint-Serge et de l’Archevêché des paroisses d’origine russe auquel il est lié depuis son commencement. Les Actes du colloque, qui s’est déroulé en trois langues (français, anglais, russe) et dont les débats ont été reconnus comme riches et stimulants, sont rassemblés en français dans le présent volume.
La première partie offre trois textes consacrés à retracer l’histoire du Concile. Julia Balakchina (Institut Saint-Philarète, Moscou), dans « En chemin vers le Concile de Moscou : un mouvement de renouveau ecclésial dans l’Église de Russie au début du xxe siècle », rappelle la crise grave où, il y a un siècle, se trouvait plongée l’Église russe, celle-ci étant un rouage de l’institution impériale, les évêques nommés par le pouvoir n’ayant pas de légitimité. Puis, le frère Hyacinthe Destivelle, o. p. (Rome), auteur du livre de référence Le Concile de Moscou (1917-1918), Paris, éd. du Cerf, 2006, résume dans son texte sur « Le Concile de Moscou comme “événement” ecclésiologique. Procédures, déroulement et principales décisions » les différents aspects de cet événement ecclésial d’importance, estimant que le Concile était d’inspiration plus synodale que patriarcale. Enfin Hélène Beliakova (Institut d’histoire russe, Moscou) présente « les résolutions ecclésiologiques du Concile de Moscou », soulignant que l’idée même d’un concile comme réponse aux défis de l’époque fut novatrice et courageuse.
Les textes de la deuxième partie sont dédiés à l’histoire de la réception du Concile. Antoine Nivière (Université de Nancy), dans une communication intitulée « Le Concile de Moscou et l’organisation ecclésiale de la diaspora russe en Europe dans l’Église orthodoxe de Russie au début du xxe siècle », brosse un exposé historique de la division de l’Église russe en diaspora en trois composantes ayant chacune une vision distincte de l’héritage du Concile de 1917-1918. Victor Alexandrov (Budapest) présente « L’héritage du Concile de Moscou : l’élection de l’évêque selon les statuts de l’Exarchat russe de l’Après-guerre ». Suivent trois communication sur la réception ecclésiologique du Concile. Le père Christophe D’Aloisio (Bruxelles), dans son intervention intitulée « Le Concile de Moscou et l’ecclésiologie d’Afanassieff », a montré les réticences du père de l’ecclésiologie eucharistique envers plusieurs aspects du Concile. Empêché d’être physiquement présent, Paul Valliere (Indianapolis) dans « L’évaluation du Concile de Moscou par les théologiens de l’École de Paris » présente l’approche du Concile par quelques penseurs de l’École de Paris : Boulgakov, Florovsky, Meyendorff et Schmemann. Enfin le père Alexandre Siniakov (Séminaire russe, Paris) dans « La réception du Concile de Moscou de 1917-1918 en Russie » montre la difficile et partielle réception des décisions du Concile en Russie soviétique et post-soviétique, le seul événement célébré cette année étant le rétablissement du Patriarcat de Moscou. Le père Robert Arida (Boston, Orthodox Church in America) présente « Le Concile de Moscou et sa réception en Amérique » ; Peter Scorer (Exeter, Royaume-Uni) dans « Les statuts du diocèse de Souroge » montre comment l’organisation en Grande-Bretagne de ce diocèse de l’émigration russe par le métropolite Antoine (Bloom) a été profondément marquée par l’esprit du Concile de Moscou. Dans sa communication intitulée « L’influence du Concile sur le renouveau des fraternités et des mouvements de laïcs orthodoxes », Cyrille Sollogoub (ACER-MJO) explique le rôle important des fraternités dans la rénovation de l’Église russe au début du xxe siècle. Puis suivent trois communications offrant des études comparées entre les décisions ecclésiologiques du Concile de Moscou et la conciliarité vécue dans d’autres Églises orthodoxes autocéphales. Goran Sekulovski (Institut Saint-Serge), dans sa communication sur « L’Église orthodoxe serbe et l’ecclésiologie du Concile de Moscou » expose l’avènement de l’autocéphalie de l’Église de Serbie et son organisation. Georges Grigorita (Faculté de théologie de Bucarest) retrace « Le Concile de Moscou et l’organisation de l’Église orthodoxe roumaine après la Première Guerre mondiale : influences occidentales et orientales ». Le métropolite de Famagouste Mgr Basile Karayiannis (Église de Chypre) souligne, dans « La praxis du Patriarcat œcuménique et de l’Église de Chypre face à l’ecclésiologie du Concile de Moscou concernant l’élection des évêques », la diversité du mode d’élection des évêques dans l’histoire de l’Église en fonction des contextes historiques, et estime nécessaire d’honorer le ministère charismatique et pastoral de l’évêque, qui ne doit pas être assimilé à un fonctionnaire.
Les textes de la 3e partie du volume ont pour objet de revisiter le Concile aujourd’hui selon diverses perspectives ecclésiologiques. Le frère Hervé Legrand, o. p. (Paris), dans sa communication sur « Le Concile de Moscou : une synodalité au plus proche de la théologie du peuple de Dieu ? », montre que le Concile de Moscou n’a pas manifesté le démocratisme dénoncé par certains commentateurs. Barbara Hallensleben (Institut Œcuménique de Fribourg, Suisse) présente « Une relecture catholique des décisions ecclésiologiques du Concile de Moscou à la lumière de Vatican II » en soulignant les différences entre synodes orientaux et occidentaux, les seconds étant plus consultatifs que délibératifs. Du côté réformé, Andreas Müller (Université de Kiel) propose une réflexion sur « Le Concile de Moscou : une réforme orthodoxe 400 ans après la Réforme. Un point de vue protestant ». Enfin Michel Stavrou (Institut Saint-Serge) dans une communication intitulée « Mémoire et réception orthodoxe du Concile de Moscou : un aiguillon pour vivre la conciliarité ecclésiale ? », développe quelques aspects de la crise de la conciliarité orthodoxe diagnostiquée depuis longtemps par le père A. Schmemann, et estime que le Concile de Moscou, sans être irréprochable, aura été exemplaire à bien des égards, dans son souci de mobiliser tous les fidèles pour le culte, la vie ecclésiale et la mission chrétienne dans le monde, suivant la devise du père Nicolas Afanassieff : « Toujours tous et toujours ensemble ! »
Le dernier texte, portant sur le message du Concile de Moscou pour l’Église d’aujourd’hui offre la transcription des échanges d’une table ronde modérée par le père Alexis Struve (Kiev) et rassemblant des prêtres et des laïcs membres de l’Archevêché des paroisses orthodoxes d’origine russe en Europe occidentale : le père Nicolas Cernokrak (Institut Saint-Serge), le père Jean Gueit (Marseille), Olga Lossky-Laham (Aberdeen), le père Peter Sonntag (Düsseldorf) et Daniel Struve (Paris). À travers un débat riche et animé entre les intervenants et avec la salle, un consensus s’est fait sur la nécessité reconnue de mieux faire connaître, appliquer et vivre les statuts de l’Archevêché dans l’esprit du Concile de Moscou de 1917-1918 : il s’agit de responsabiliser et d’associer avec les clercs, sous la guidance de l’évêque, tous les fidèles à la vie ecclésiale à ses différents niveaux : paroissial, diocésain et associatif. L’Église est en effet un corps appelé à vivre et à manifester au monde le mystère trinitaire, source de conciliarité : un mystère de communion, d’offrande réciproque et de liberté.
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 249-254]
I. Introduction historique
En chemin vers le Concile
[p. 255-272]
Julie Balakshina
Le Concile de Moscou comme « événement » ecclésiologique
[p. 273-290]
Hyacinthe Destivelle
Les résolutions ecclésiologiques du Concile
[p. 291-310]
Hélène Beliakova
II. Les débuts de la réception du Concile
Le Concile de Moscou et l’organisation ecclésiale de la diaspora russe
[p. 311-330]
Antoine Nivière
L’héritage du Concile de Moscou de 1917-1918 : l’élection de l’évêque
[p. 331-343]
Victor Alexandrov
Le Concile de 1917-1918 et l’ecclésiologie d’Afanassieff
[p. 344-356]
Christophe D’Aloisio
L’évaluation du Concile de Moscou par les théologiens de l’« École de Paris »
[p. 357-366]
Paul Valliere
La réception du Concile de Moscou en Russie
[p. 367-374]
Alexandre Siniakov
Le Concile de Moscou et sa réception en Amérique
[p. 375-386]
Robert M. Arida
Les statuts du Diocèse de Souroge
[p. 387-394]
Pierre Scorer
Influence du Concile sur le renouveau des fraternités et des mouvements de laïcs orthodoxes
[p. 395-405]
Cyrille Sollogoub
L’Église orthodoxe serbe
et l’ecclésiologie du Concile
[p. 406-415]
Goran Sekulovski
Le Concile de Moscou et l’organisation de l’Église orthodoxe roumaine après la Première Guerre mondiale
[p. 416-427]
Georges Grigorita
La praxis du Patriarcat œcuménique et de l’Église de Chypre face à l’ecclésiologie du Concile de Moscou concernant l’élection des évêques
[p. 428-448]
Métropolite Basile Karayiannis
III. Revisiter le Concile aujourd’hui
Une synodalité au plus proche de la théologie du peuple de Dieu
[p. 449-457]
Hervé Legrand
Une relecture catholique des décisions ecclésiologiques du Concile
[p. 458-467]
Barbara Hallensleben
Une réforme orthodoxe 400 ans après la Réforme protestante
[p. 468-478]
André Müller
Mémoire et réception orthodoxe du Concile
[p. 479-490]
Michel Stavrou
Le message du Concile de Moscou pour l’Église d’aujourd’hui
[p. 491-507]
Table ronde
Chronique
[p. 507-508]
Bibliographie
[p. 509]