Contacts, n° 265

N° 265 – 1er trim. 2019

Liminaire

En 1949, une petite revue de théologie voyait le jour sous l’impulsion de Jean Balzon, Français devenu orthodoxe dans une communauté francophone placée alors sous la protection du Patriarcat de Moscou. Dix ans plus tard, le fondateur de Contacts désire ouvrir sa revue en l’inscrivant au-delà de l’émiettement juridictionnel qui caractérise (déjà) le paysage orthodoxe en Occident. Cette initiative de Jean Balzon a trouvé un écho auprès de plusieurs intellectuels orthodoxes, qui souhaitent également doter l’orthodoxie francophone d’un organe de réflexion théologique et spirituel reflétant les préoccupations d’une Église en cours d’inculturation. La revue Contacts telle que nous la connaissons aujourd’hui est née de cette volonté, ainsi que du dynamisme impulsé par son secrétaire d’alors Olivier Clément, entouré d’Élisabeth Behr-Sigel, de Jean Balzon et de Germaine Revault-d’Allonne, du père Boris Bobrinskoy, puis un peu plus tard de Nicolas Lossky. Poussé par un souci identique d’édification de l’Église locale, ce même groupe allait, quelques années plus tard, jeter les bases de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale en vue de créer des espaces de dialogue et de partage pour les orthodoxes issus des différentes juridictions.

À l’heure où nous fêtons les soixante-dix ans de notre revue, il est significatif de publier les textes du XVIe Congrès orthodoxe en Europe occidentale, qui s’est tenu, sous l’égide de l’Assemblée des Évêques Orthodoxes de France (AEOF), du 1er au 4 novembre dernier à Manosque, dans le sud-est de la France. Cela souligne bien la proximité d’esprit des deux initiatives, œuvrant depuis les origines, chacune à sa manière, en vue du développement d’une orthodoxie d’expression locale. Le thème de ce dernier Congrès – centré sur la parole du Christ : « Et vous serez mes témoins » (Ac 1,8) – invitait les nombreux participants (plus de 400), venus principalement de France mais aussi du reste de l’Europe, à s’interroger sur la façon de témoigner dans le monde d’aujourd’hui de sa foi chrétienne. Les congressistes ont bénéficié, dans cette rencontre, de la présence bienveillante et paisible à la fois du métropolite Joseph (Patriarcat de Roumanie) et de l’évêque auxiliaire Marc de Neamts, de Mgr Jean (Patriarcat œcuménique, Paris), et de Mgr Nestor (Patriarcat de Moscou, Paris). Trois conférences plénières, trois tables rondes et de nombreux ateliers ont permis d’approfondir la question du témoignage des chrétiens dans le monde, ainsi que des moments de prière et une soirée consacrée à la crise ukrainienne. On trouvera, dans ce numéro, les textes des conférences et les compte rendus des principaux échanges qui se sont tenus durant ces trois jours de partage ecclésial.

Le texte de la première session plénière que nous publions ici, signé par Inga Leonova, laïque orthodoxe américaine, nous rappelle que cette foi chrétienne est avant tout foi dans la personne du Christ et rencontre avec Lui. Trop souvent, l’histoire ecclésiale a réduit le christianisme à des valeurs, à un enseignement moral, parfois exclusif au détriment d’une relation vivante avec le Christ. Le témoignage qui suit du père Spyridon Tsimouris, prêtre du diocèse du Pirée (Grèce), présente la vie de sa communauté face aux défis des migrants, particulièrement perceptibles dans la région où il vit. Un autre défi contemporain est celui de porter un message de paix dans des régions déchirées par la guerre. Ce fut le propos de Constantin Sigov, universitaire orthodoxe ukrainien. Il a rappelé que, pour le chrétien, le travail social n’est pas un simple engagement humanitaire mais s’enracine dans une démarche de rencontre avec le prochain et avec le Christ. Il a notamment souligné comment une telle rencontre, dépassant la haine et l’indifférence à l’autre, exige une espérance qui dépasse toute mesure humaine.

Nous reproduisons ensuite les textes issus de deux tables rondes simultanées. La première portait sur le témoignage du Christ par la liturgie. Le père Stephen Maxfield, prêtre de paroisse au Royaume-Uni, insiste sur l’importance de la beauté, sous toutes ses formes, dans la célébration, dont le déroulement reflète la splendeur de la liturgie céleste incessante, selon les mots des légats du prince Vladimir rapportés dans la chronique de Nestor. Le père Jean Gueit, prêtre de paroisse à Marseille, souligne pour sa part le rôle de chaque baptisé au sein de l’assemblée liturgique, pour que la célébration ne soit pas réduite à l’affaire du seul président ou prêtre.

L’autre table-ronde s’intéressait aux enjeux actuels de bioéthique. Nous publions ici le témoignage de Julia Vidovic, enseignante invitée à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge (Paris), qui offre une synthèse sur les États généraux de la bioéthique en France et expose la position que l’Église orthodoxe y a défendue. André Krajévitch, médecin orthodoxe, ancien vice-président de l’ACAT, pose pour sa part la question de la définition même de l’homme, en soulignant que la seule réponse se trouve dans la vocation de chacun à la déification.

Le Congrès fut aussi l’occasion d’une table-ronde œcuménique pour débattre de la question : comment témoigner du Christ par-delà les divisions des chrétiens ? Quatre intervenants échangèrent sur ce thème, dont nous donnons ici à lire les interventions initiales : la pasteure Agnès Von Kirchbach (de Saint-Cloud), le père Pierre Lathuilière du diocèse catholique de Lyon, le frère Richard de la communauté œcuménique de Taizé, et Noël Ruffieux, laïc orthodoxe suisse. À travers la diversité des approches s’exprime la notion centrale pour tous du témoignage donné par une communauté unie dans la communion au Christ et la nécessité, pour œuvrer au rétablissement d’une telle communion, d’une démarche active d’ouverture. Cette dynamique d’ouverture n’est rendue possible que par une conversion personnelle de chacun au Christ, impliquant le renoncement à certaines prérogatives confessionnelles toutes humaines qui entravent notre relation à Dieu et à l’autre, donc notre témoignage chrétien dans le monde.

Une vingtaine d’ateliers furent l’occasion d’échanges entre les participants et nous publions ici la plupart des compte rendus de ces discussions, reflets des préoccupations actuelles des orthodoxes vivant en Europe occidentale et de la diversité des domaines dans lesquels s’insère le témoignage chrétien.

Nous sommes heureux de proposer à nos lecteurs cette riche réflexion dans une mise en page renouvelée. Le choix d’adopter une nouvelle couverture marque aussi la volonté qu’a la revue de s’inscrire au cœur de son époque pour proposer au plus grand nombre une réflexion sur la foi chrétienne dans un format attractif et contemporain. Fidèle à l’esprit de ses origines, Contacts souhaite continuer à diffuser une pensée théologique et spirituelle nourrissante, tout à la fois exigeante et abordable, qui puisse aider chacun à approfondir sa foi pour qu’elle devienne une réalité toujours plus manifeste de la rencontre avec le Dieu vivant. Les crises multiples qui secouent actuellement plusieurs communautés de l’orthodoxie en Europe occidentale et qui illustrent une fois de plus la crise de la conciliarité ne doivent pas détourner nos regards de l’« unique nécessaire » : vivre et témoigner du Ressuscité qui est l’Amen, le témoin fidèle et véritable (Ap 3,14).

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 3-6]

Le scandale d’aujourd’hui : témoigner du Christ dans les sociétés occidentales contemporaines
[p. 7-19]
Inga Leonova

Témoigner du Christ dans les sociétés contemporaines
[p. 20-27]
Père Spyridon Tsimouris

Témoigner du Christ par l’engagement social
[p. 28-44]
Constantin Sigov

Table ronde : Témoigner du Christ par la liturgie
[p. 45-52]
Table ronde bioéthique
[p. 53-63]

Table ronde œcuménique : Comment témoigner du Christ par-delà les divisions des chrétiens ?
[p. 64-70]

Ateliers
[p. 71-107]

Chronique
[p. 108-121]

Bibliographie
[p. 122-128]