Contacts, n° 269

N° 269 – 1er trim. 2020
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Liminaire

L’Église de Serbie : une fidélité séculaire à l’orthodoxie

L’Église orthodoxe, on le sait, est une communion d’Église autocéphales de par le monde. En un temps où cette communion se trouve bien mise à mal avec les développements récents autour de l’Église d’Ukraine, la revue Contacts a choisi de consacrer un volume thématique à l’« Église orthodoxe serbe », Église fort ancienne du Sud-Est de l’Europe, fidèle à son appel, puisque la première évangélisation des Serbes est attestée dès le VIIe siècle.

Grâce à l’aide précieuse de la théologienne Julia Vidovic, professeure à l’Institut Saint-Serge (Paris), ce volume, coordonné par ses soins, a pu réunir les remarquables contributions d’universitaires serbes sur les sujets abordés.

Mgr Luka dresse en préambule un bref panorama de l’Église orthodoxe serbe, depuis la première christianisation jusqu’à la composition actuelle du Patriarcat de Serbie. Puis, dans son article sur l’Église de Serbie au Moyen Âge, Smilja Marjanović-Dušanić revient sur le rôle majeur de saint Sava dans la naissance du premier archevêché et l’émergence du Patriarcat jusqu’à la conquête ottomane. Ema Miljković développe ensuite les événements qui ont marqué l’Église sous la domination ottomane, analysant l’organisation nouvelle que lui imposait ce pouvoir. Dans ce contexte, la figure de la sultane chrétienne Mara Branković, développée par Mihailo St. Popović, est représentative des relations entre l’Empire ottoman et l’Église serbe, au sein desquelles Mara Branković apparaît comme une bienfaitrice notamment à l’égard des monastères athonites serbes.

L’archiprêtre Radomir V. Popović analyse pour sa part les caractéristiques actuelles de l’Église de Serbie, rappelant la composition de ses diocèses ainsi que ses diverses expressions, des monastères aux établissements ecclésiastiques. C’est dans cette structure que s’inscrit la pensée théologique serbe contemporaine, dont Vladimir Cvetković donne un aperçu en s’intéressant à la façon dont trois théologiens successifs des XXe et XXIe siècles – saint Nicolas de Jitcha, saint Justin le Nouveau de Ćelije et Mgr Athanase Jevtić – ont perçu la pensée de saint Sava. Rastko Jović revient de son côté sur l’engagement de l’Église serbe au sein du mouvement œcuménique et ses implications, tandis que Zdravko Jovanović s’arrête sur la notion de diaspora, telle qu’elle peut être vécue aujourd’hui par les orthodoxes.

La Serbie fait partie des pays balkaniques où se trouvent inextricablement mêlées identité nationale et conscience ecclésiale. Une question rebattue que se pose la conscience orthodoxe dans les pays où le sceau national s’est si fortement imprimé depuis des siècles dans la chair de l’Église. Pour des raisons non dogmatiques mais essentiellement historiques, la plupart des Églises autocéphales orthodoxes revendiquent un rôle de gardien vigilant de la mémoire et des valeurs nationales, fatale conséquence des siècles de joug tatare ou ottoman. Mais comme le notait naguère le père Jean Meyendorff, illustre théologien, témoin de l’École orthodoxe de Paris, « une Église dont la fonction est de maintenir l’identité ethnique perd son caractère de véritable Église de Dieu ». Car cette fonction risque de rendre l’Église d’autant moins crédible aux yeux d’un monde suspicieux envers les collusions ethnico-religieuses. Le Christ a envoyé ses disciples évangéliser les hommes de « toutes les nations ». Il ne s’agit donc pas de discréditer au nom de l’Évangile le concept de nation, mais de le relativiser. Comme l’Église de Grèce présentée dans un volume précédent de la revue Contacts, le cas de l’Eglise de Serbie est emblématique. À la fois affleure l’universalité de l’Évangile et la limite imposée de l’ethnicité des communautés ecclésiales, fruit d’une histoire douloureuse, des Guerres balkaniques à la dissolution récente de l’ex-Yougoslavie. Nous en constatons l’expression particulière dans nos terres occidentales dites de « Diaspora », où différentes juridictions orthodoxes se sont édifiées en un même lieu et se développent parallèlement, chacune en vase clos, sans concertation et selon un critère culturel, ethnique. Comment veiller à maintenir allumé le flambeau de la catholicité ecclésiale qui fait qu’aucune Église locale ne peut se suffire à elle-même, même si elle a reçu la plénitude sacramentelle de la vie en Christ, ni se surévaluer (que ce soit en termes d’apostolicité, de privilèges ou de poids politique, démographique), mais, pressée par l’amour trinitaire, doit sans cesse se pencher vers ses sœurs pour s’enrichir des dons multiples de l’Esprit ? Tel est le défi et le don de la synodalité ecclésiale qui, en dernière analyse, prend sa source dans le mystère trinitaire.

Nous prions ceux qui ne l’auraient pas fait de régler leur abonnement 2020 à la revue, soit en envoyant un chèque, soit par simple virement, ce qui nous évitera de coûteux frais de relance. Toute l’équipe de la rédaction souhaite à ses lecteurs une sainte entrée dans le temps du Carême et un bon chemin vers la lumineuse Fête des Fêtes.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 3-6]

L’église orthodoxe serbe hier et aujourd’hui
Evêque Luc (Kovacević)
[p. 7-12]

L’église orthodoxe serbe au Moyen Âge
Smilja Marjanović-Dušanić
[p. 13-33]

L’église orthodoxe serbe sous le pouvoir ottoman
Ema Miljković
[p. 34-53]

La sultane chrétienne Mara Branković et les monastères de la Sainte Montagne
Mihailo St. Popović
[p. 54-76]

L’Église orthodoxe serbe aujourd’hui Radomir
V. Popović
[p. 77-89]

Saint Sava et son enseignement, selon saint Nicolas de Jitcha, saint Justin le nouveau de Ćelije et Mgr Athanase Jevtić
Vladimir Cvetković
[p. 90-109]

Unité sans pression : labyrinthes orthodoxes dans le dialogue œcuménique
Rastko Jović
[p. 110-129]

La « Diaspora » comme espace de dialogue de l’héritage chrétien
Zdravko Jovanović
[p. 130-144]

Poèmes extraits du Prologue d’Ohrid Vies des saints, hymnes, réflexions et homélies pour chaque jour de l’année
Saint Nicolas Vélimirovitch
[p. 145-149]

Chronique
[p. 150-156]

Bibliographie
[p. 157-164]