Contacts, n° 285

N° 285 – 1er trim. 2024
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Liminaire

Les conflits qui déchirent à l’heure actuelle notre monde nous interrogent. Force est de reconnaître que le poison identitaire qui alimente les guerres en cours se nourrit en particulier de l’identitarisme religieux. Comment alors, à rebours d’une foi portée comme un étendard exclusiviste – ce vers quoi le christianisme a trop souvent penché dans l’Histoire –, pouvons-nous incarner et promouvoir l’amour inconditionnel dont le Christ nous montre l’exemple ? Les articles du présent volume suggèrent quelques pistes à travers une réflexion chaque fois renouvelée sur le mystère de l’Église.

Dans le premier article, le père Radu Mara nous interpelle sur la réalité de notre vécu ecclésial : quel en est la finalité profonde ? S’agit-il de faire triompher une certaine vision de l’Église, que chacun souhaite légitimement défendre, ou avant tout d’incarner la communion en Christ ? Partant de l’exemple des premières divisions, à l’époque apostolique, entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens, il transpose ce conflit à notre époque entre les orthodoxes « d’ici » et ceux de « là-bas », que les hasards des migrations ont conduits à cohabiter sur le sol occidental. Il montre le danger d’absolutiser chaque approche de la foi – celle plus attachée à la lettre de la Tradition et celle plus critique – pour en appeler à discerner, dans la nécessité de cohabiter avec des personnes qui ne partagent pas notre vision de l’Église, la finalité même de nos communautés ecclésiales.

Dans la réflexion qui suit, le père John Behr révèle la façon dont les Pères des premiers siècles ont défini l’Église comme Vierge et Mère, avant que ces attributs ne désignent plutôt la Mère de Dieu, surtout à partir du concile d’Éphèse (431). Ce faisant, il invite à renouveler notre vision de l’Église non pas comme groupe mis à part du monde, mais comme avant-garde de ce monde déjà unie au Christ, selon la vocation que Dieu adresse à tout être humain.

La chercheuse byzantiniste Francesca Samori revient ensuite sur une page d’histoire byzantine presque oubliée : la défense de l’union de Lyon (1274) par le théologien byzantin Georges Métochitès qui pensait vider la querelle du Filioque – pierre d’achoppement entre les chrétiens d’Orient et d’Occident – en faisant bien à tort coïncider la doctrine latine du Filioque (selon laquelle l’Esprit procèderait du Père et du Fils) avec le Per Filium des Pères grecs (l’Esprit procède du Père par le Fils). Désireux de rétablir l’unité de foi entre les chrétiens de l’Ancienne et de la Nouvelle Rome, il n’hésitait pas à mésinterpréter la Révélation trinitaire telle que la Tradition apostolique l’a transmise. Pourtant, l’obstination dans une erreur tragique ne peut jamais servir une noble cause.

Un autre point de litige, cette fois directement ecclésiologique et canonique, est mis en lumière par le document étonnant que nous publions pour la première fois en langue française. Il s’agit de la lettre, datée de 1927, du patriarche d’Alexandrie Mélétios II au Métropolite Antoine (Khrapovitsky), pour répondre à son interrogation sur la situation de l’Église russe hors-frontière. Comme le rappelle Mgr Grégoire (Papathomas) dans son introduction à la traduction de cette lettre, c’est l’occasion pour le patriarche d’Alexandrie, à son époque réputé pour son expertise ecclésiologique d’où la demande de Mgr Antoine, de rappeler que l’Église ne peut s’organiser selon des principes ethniques mais uniquement territoriaux, en vue de garantir la pleine diversité de ses membres dont le véritable dénominateur commun doit rester l’attachement au Christ. Il est clair, aussi, que le privilège d’administrer toutes les diasporas orthodoxes, que revendique depuis longtemps le Patriarcat œcuménique, est loin d’avoir fait l’objet d’une réception unanime de la part des autres Églises autocéphales.

Dans le dernier article, le théologien canadien Paul Ladouceur analyse la situation actuelle de l’Église orthodoxe dans le dialogue œcuménique, polarisée entre des partisans du dialogue qui reconnaissent la sacralité des autres Églises chrétiennes, et les anti-œcuménistes de stricte obédience. L’auteur s’attache à démontrer l’incohérence de la position de ces derniers concernant l’accès au salut pour les non-orthodoxes. Contre une telle vision, il prône une « approche mystériologique et apophatique de l’Église », rappelant que les frontières de l’Église sont connues de Dieu seul.

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Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 3-6]

L’orthodoxie ici et là-bas 
Radu Maras
[p. 7-18]

Notre Mère l’Église : Marie et l’ecclésiologie
John Behr
[p. 19-39]

La défense du Filioque chez Georges Métochitès (v. 1250-1328) :
redécouvrir un promoteur byzantin de l’union avec l’Église de Rome
Francesca Samorì
[p. 40-63]

La lettre patriarcale du patriarche d’Alexandrie Mélétios II au métropolite Antoine Khrapovitsky (1927) 
Introduction et traduction par Mgr Grégoire (Papathomas), métropolite de Péristerion
[p. 64-72]

L’ecclésiologie néo-traditionaliste dans l’orthodoxie 
Paul Ladouceur
[p. 73-100]

Chronique
[p. 101-103]

Bibliographie
[p. 104-112]