N° 248 – 4e trim. 2014
Liminaire
Cette année 2014 aura été fertile en belles rencontres œcuméniques, notamment entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine : à travers les retrouvailles du patriarche Bartholomée et du pape François à Jérusalem en mai dernier puis à Constantinople le 30 novembre (voir les textes dans la Chronique de ce volume). On peut s’en féliciter et rendre grâce à Dieu, même si la cause de l’unité des chrétiens semble susciter moins d’enthousiasme et fédérer moins d’énergies, en particulier du côté des prélats orthodoxes : trop souvent réactions de crainte, d’attentisme et de frilosité voire d’hostilité face à un Patriarcat de Constantinople courageusement engagé dans ce dialogue fraternel, certes difficile mais ô combien nécessaire dans notre vieille Europe en voie de déchristianisation.
En perspective œcuménique, la revue Contacts consacre une nouvelle fois un volume thématique à la nature de l’Église, l’ecclésiologie étant sans aucun doute appelée à un travail continuel d’approfondissement à la lumière de la Tradition apostolique et conciliaire.
Dans le premier texte intitulé sobrement « Ecclésiologie baptismale », Paul Meyendorff, professeur au séminaire orthodoxe Saint-Vladimir de New York, montre les limites d’une approche de l’Église qui serait exclusivement centrée sur l’Eucharistie : il est temps, explique-t-il, de redécouvrir également le Baptême et sa double dimension ecclésiale et ecclésiologique, ce qui implique de revivifier la pratique communautaire du Baptême et la théologie et la pastorale qui lui sont associées. La pratique actuelle du baptême demeure encore trop souvent – notamment dans les pays traditionnellement orthodoxes – un acte liturgique de nature semi-privée impliquant la famille et bien peu les paroisses des nouveaux baptisés. On discerne également les implications œcuméniques positives d’une ecclésiologie baptismale : les communautés chrétiennes non orthodoxes peuvent, par leur pratique du Baptême au nom de la Sainte Trinité, être reconnues comme partageant la réalité ecclésiale dans une mesure plus ou moins grande avec l’Église orthodoxe « une, sainte, catholique et apostolique », même si la communion eucharistique complète n’est pas encore possible.
LLa question de la reconnaissance du caractère central de l’Eucharistie dans la vie ecclésiale a évidemment partie liée avec la pratique régulière de la communion eucharistique, sujet encore délicat dans plusieurs Églises orthodoxes autocéphales où souvent la communion fréquente se trouve empêchée par des règles de préparation trop contraignantes. Le 9 septembre 2013 la Commission interconciliaire du Patriarcat de Moscou a publié un document officiel intitulé « Sur la préparation à la sainte communion » qui défend la discipline tardive selon laquelle, pour communier, il faut obligatoirement s’être préparé par un jeûne de plusieurs jours et une confession préalable. C’est sur cette question de la préparation à la communion que se penche Élie Korotkoff dans un remarquable article intitulé « Repentir, ascèse et Eucharistie ». L’étude historique richement documentée qu’il y développe met en évidence les fluctuations de la conscience eucharistique depuis l’époque des Conciles, et les conclusions spirituelles et pastorales qu’il propose pour notre temps – en s’appuyant sur l’Évangile et les Pères – sont tout à fait convaincantes.
On le sait, l’orthodoxie a redécouvert au XXe siècle le fait que c’est dans le rassemblement eucharistique local que se manifeste l’Église dans sa catholicité. Ce fut l’œuvre du père Nicolas Afanassieff mais aussi, une génération plus tard, celle, complémentaire, de Mgr Jean Zizioulas. C’est ce que nous montre, dans une belle étude de synthèse, le théologien grec Stavros Yangazoglou. Il présente en perspective historique la « christologie pneumatique » du métropolite de Pergame, montrant comment l’œuvre de celui-ci a proposé un dépassement de l’alternative ruineuse dans laquelle se débattait la théologie orthodoxe : privilégier ou la christologie ou la pneumatologie dans l’approche de l’Église, donc une ecclésiologie valorisant plutôt l’histoire ou plutôt l’eschatologie. Jean Zizioulas a prôné une synthèse s’appuyant sur une christologie conditionnée par la pneumatologie, traduisant le fait que, par l’Esprit Saint, le Christ est présent dans l’Église, et qu’Il est une personne corporative, c’est-à-dire un corps comprenant de nombreux membres à travers le Saint-Esprit.
Dans la dernière contribution de ce volume, Michel Stavrou rappelle « le rôle de l’évêque dans l’Église locale en perspective orthodoxe ». L’évêque n’a pas un rôle quelconque de chef d’une communauté humaine particulière, comme il en existe de par le monde en tous domaines d’activités. Son rôle, attesté dès le IIe siècle, est d’abord sacramentel, ordonné au rassemblement eucharistique local, sans oublier les dimensions pastorale, administrative et doctrinale de sa tâche. C’est un acteur central de la vie ecclésiale et son rôle est déterminant en chaque lieu pour manifester l’unité et le témoignage du peuple de Dieu. Pour autant, la manière dont l’évêque est envisagé ne doit jamais être coupée d’une vision organique et globale du corps ecclésial dont il est membre.
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Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 449-451]
Ecclésiologie baptismale
[p. 452-467
Paul Meyendorff
Repentir, ascèse et Eucharistie
[p. 468-522]
Élie Korotkoff
La christologie pneumatique de Jean Zizioulas, métropolite de Pergame
[p. 523-543]
Stavros Yangazoglou
Le rôle de l’évêque dans l’Église locale en perspective orthodoxe
[p. 544-554
Michel Stavrou
Chronique
Discours laudatif en l’honneur du professeur Paul Meynedorff
[p. 555-561]
André Lossky
Une thèse de doctorat sur l’ecclésiologie du père Nicolas Afanassieff
[p. 561-562]
Jean-Claude Polet
Rencontre du patriarche Bartholomée et du pape François le 30 nov. 2014
[p. 563-572]
Bibliographie
[p. 573-588]
Tables de l’année 2014
[p. 589-591]