N° 258 – 2e trim. 2017
Liminaire
Le Christ est ressuscité !
La Fête des fêtes, sommet de l’année liturgique, nous invite à entrer dans un autre temps que celui des échéances électorales, le temps de la présence du Ressuscité dans nos vies. Chaque année, le cycle pascal peut nous introduire davantage dans le mystère du Royaume de Dieu vécu dès à présent au cœur de ce monde. La difficulté pour le chrétien est d’intégrer dans le cadre même de son existence terrestre cette joie eschatologique de la rencontre avec le Christ. C’est seulement s’il a la certitude que tous les aspects de la vie sont appelés à être transfigurés qu’il pourra rayonner de la paix et de la joie pascales au sein de cette époque qui en a tant besoin. Alors, comment être aujourd’hui les témoins de la Résurrection ?
Le remarquable article d’Olivier Clément qui ouvre ce volume répond à cette question en des termes qui, bien qu’écrits en 1965, prennent un relief particulier dans notre contexte actuel : le vrai témoignage, nous dit le théologien en s’appuyant sur l’Evangile et toute la Tradition, ne peut être que celui du martyre. « C’est l’humble acceptation des brimades dans l’amour des ennemis qui devient le meilleur témoignage. » Martyre comme don total de sa vie, mais aussi comme don quotidien de soi qui s’ancre dans une démarche d’humilité profonde, de discrétion et d’abaissement. Tout l’enjeu est de devenir un homme nouveau qui, dans son sillage, renouvelle l’ensemble de la création en la présentant à Dieu.
Tirer du neuf du trésor de l’ancien, telle est la démarche que propose Sophie Clément-Stavrou, professeur de grec ancien et patristique à l’Institut Saint-Serge. Elle montre comment la langue grecque des poètes et des philosophes est aussi devenue celle des Pères de l’Église pour tenter de définir avec des mots humains ce qui échappe à l’entendement, à savoir le mystère de Dieu et celui de la divino-humanité du Christ, offerte dans la vie ecclésiale. En redécouvrant toute la richesse du vocable évangélique et patristique, nous pouvons accéder à une rencontre plus profonde avec le Seigneur, selon le mouvement créatif auquel nous invite la Tradition ecclésiale.
Dans ce mouvement, la jeune théologienne Julia Vidovic revisite les notions de nature et de personne chez saint Maxime le Confesseur en s’appuyant sur l’interprétation contrastée qu’en font deux théologiens contemporains, Mgr Jean Zizioulas et Jean-Claude Larchet. L’usage du grec est ici précieux pour exprimer les nuances maximiennes quant à l’équilibre ontologique qui existe entre nature et hypostase. Julia Vidovic montre bien en quoi les Pères en général et saint Maxime en particulier expliquent la notion de personne non pas à partir de l’anthropologie mais de la théologie trinitaire et de la christologie : sans la venue du Christ, il n’y aurait pas de conscience personnelle telle que celle-ci s’est développée à travers deux mille ans de christianisme.
Le père jésuite Nicolas Steeves propose quant à lui de renouveler un autre aspect de nos facultés humaines susceptible d’aider le croyant à cheminer vers Dieu : l’imagination. Il rappelle que l’imagination est comme un pharmakon, c’est-à-dire un remède qui, pris sans discernement, peut devenir un poison, étant à la fois venin et viatique, malédiction et médicament. C’est donc au niveau du dosage qu’il convient de discerner ce que l’imagination peut apporter en théologie. Le père Steeves montre ainsi combien cette instance de la créativité peut être valorisée dans la vie spirituelle et ecclésiale, étant déjà si présente dans la Bible et dans l’hymnographie. Développer une approche de l’imagination selon une perspective à la fois théologique et ascétique peut constituer un autre mode privilégié de témoignage dans le monde, où les images tiennent une place presque prépondérante.
La description qu’offre Olga Lossky-Laham de sa démarche de romancière vient enfin en illustration d’une telle approche, comme une tentative d’exprimer, en des termes susceptibles de toucher nos contemporains, la beauté de la création appelée à être pénétrée par les énergies divines.
Que ce temps pascal soit l’occasion pour chacun d’entre nous d’œuvrer à l’avènement du Royaume là où Dieu nous a placés, à l’écoute des nécessité de notre temps tout en conservant le regard fixé sur la contemplation du Ressuscité.
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 125-128]
L’étude du grec, un réveil de la conscience théologique
[p. 136-152]
Sophie Clément-Stavrou
Nature et personne humaine selon saint Maxime le Confesseur
[p. 153-177]
Julia Vidovic
Le perroquet, le paon et la palombe : Expliciter le rôle de l’imagination en théologie
[p. 178-206]
Nicolas Steeves, s. j.
Beauté de la liturgie, beauté du monde : le témoignage d’une quête
[p. 207-226]
Olga Lossky-Laham
Chronique
– Une promesse de l’unité chrétienne : La restauration du Saint-Sépulcre à Jérusalem
– Le saint-synode de l’église de Grèce : une institution paralysée
face aux discours fondamenta- listes
[p. 227-232]
Bibliographie
[p. 233-251]