N° 31 – 3e trim. 1960
Liminaire
Pour une grande part, cette livraison de Contacts est consacrée au problème de l’œcuménisme, plus particulièrement à la rencontre de l’orthodoxie et du catholicisme.
L’Eglise comme telle n’a jamais rien dit sur l’œcuménisme. Avant de balbutier notre opinion, nous devons vénérer le mystère de l’Eglise, confesser notre amour tremblant devant sa grandeur scellée par le sang des martyrs. Que sommes-nous si le torrent de la Sobornost ne nous porte et ne nous pénètre ? Toute réflexion actuelle sur l’orthodoxie et le catholicisme doit tenir compte de deux faits. Le premier, c’est que le pape et le patriarche de Constantinople sont préoccupés au même titre de l’unité chrétienne et donc invitent tout fidèle à entrer dans leur préoccupation qui est fonction, non pas de l’unité, mais de la division. Le second fait, c’est que le pape et le patriarche, l’un et l’autre dans le cadre de son univers confessionnel, envisagent chacun son propre concile. Les deux conciles porteraient simultanément le titre d’œcuménique.
Il faut préparer une compréhension meilleure des problématiques, mais sauf miracle de Dieu, une fusion des deux conciles en un seul ne serait guère imaginable.
Ces deux faits nous placent devant le sérieux, ou plutôt le tragique, de la division : division dont les raisons profondes, réelles, ne sauraient être niées. Quand il s’agit du dogme, en effet, il s’agit du cœur même de la foi dans sa dimension ecclésiale. Pour l’orthodoxie, la foi exige le repentir de l’esprit humain, son « retournement », afin que le Saint-Esprit l’emplisse des évidences de la Révélation. Nous ne pourrons jamais « prouver » le principe «pneumatologique» de notre ecclésiologie — la «conciliarité» des consciences personnelles, car il n’existe aucun critère formel de la « catholicité » à l’image de la Trinité. Mais nous en vivons.
Or c’est peut-être dans le plus secret de la théologie trinitaire, dans la théologie du Saint-Esprit, qu’un orthodoxe ressent mystérieusement ce qui le sépare de l’Eglise romaine. Ainsi une tradition largement commune se trouve recevoir deux éclairages différents, dont les conséquences, dans la structure ecclésiastique et la vie spirituelle, ne peuvent être méconnues.
C’est justement en prenant douloureusement conscience d’une différence réelle que je reconnais et respecte l’Eglise romaine, que je m’incline devant son propre mystère, devant ses martyrs et ses saints, son expérience de Dieu. Un dialogue honnête refuse toute simplification, toute réduction trop aisée du mystère de l’autre. Seul un amour clairvoyant, donc crucifié par la réalité de la division, peut donner à l’épiclèse œcuménique sa densité, c’est-à-dire préparer, autant qu’il se peut, le miracle.
Au-delà de l’Eglise et des Eglises, il y a ceux qui cherchent à Dieu de nouveaux noms parce que des enfants meurent injustement. C’est pour eux surtout que nous publions des Notes sur le mal qui soulignent, à l’excès peut-être, certaines attitudes de la théologie et de la spiritualité orthodoxes concernant la liberté et l’enfer. Dieu, a dit Nicolas Cabasilas, s’est fait homme pour sortir de son impassibilité. Τrop de chrétiens ne sortent guère de la leur devant un monde qui, dans la ruine des formes, des sagesses, des cultures, se découvre parfois enfer, c’est-à-dire absence d’amour et nostalgie insatiable de l’amour. Saurons-nous répondre par la seule réponse possible : la Parousie, non seulement annoncée mais manifestée ? Saurons-nous témoigner de notre baptême, dont nous oublions qu’il ne mène à la résurrection que par la descente en enfer ?
Sommaire
Liminaire
[p. 153-154]
Paul Evdokimov
Exigences de la rencontre
[p. 155-158]
Père Georges Khodre
Catholicisme et Orthodoxie
[p. 159-165]
Père Louis Bouyer
Ebauche d’un dialogue
[p. 166-172]
Contacts
Trois paraboles des semailles
[p. 173-177]
Père Lev Gillet
Notes sur le Mal
[p. 178-205] télécharger en pdf
Olivier Clément
Chronique
• Is tin Polin
[p. 206-211]
Léon Zander
• Notes de voyages en U.R.S.S.
[p. 212-214]
Elisabeth de Linden
Bibliographie
• Démonstration de la prédication apostolique – Irénée de Lyon
[p. 215]
• Origène : Esprit et Feu – Urs von Balthasar
[p. 216-217]
• Saint Cyprien – Denys Gorce
[p. 218]
• Hilaire de Poitiers – Michel Meslin
[p. 218-219]
• Paulin de Nole – Denys Gorce
[p. 219-220]
• S. Cyrille de Jérusalem, catéchète – Antoine Paulin
[p. 220-221]
• Um die Wiedervereinigung im Glauben – Heinz Schütte
[p. 222-223]
• Vaste monde, ma paroisse – Yves J. Congar
[p. 223-224]
• Conférences – Jean Cassien
[p. 224]
Supplément
Catéchisme orthodoxe – R.P. Sémenoff-Tian-Chansky