Contacts, n° 42

N° 42 – 2e trim. 1963

Liminaire

La nature de l’Eglise est le grand problème théologique de notre temps. La conférence pan-orthodoxe de Rhodes l’a inscrite à l’ordre du jour du prosynode, et le concile du Vatican II, après avoir rejeté un schéma pauvrement scolastique sur la société ecclésiale, est en train, dans ses commissions, d’élaborer un nouveau texte où la réalité trinitaire de l’Eglise apparaîtra nettement. Dans cette conjoncture œcuménique, il nous a semblé utile de consacrer cette livraison de Contacts à deux études d’ecclésiologie.

La première est un important inédit de Vladimir Lossky qui clarifie, avec la rigueur qui était la sienne, le problème de l’action du Saint-Esprit dans l’Eglise pour la sauvegarde de la vérité.

La seconde tente de montrer les conséquences unifiantes de cette ecclésiologie dans le dialogue œcuménique. Depuis le 17e siècle, la pensée orthodoxe s’est, plus ou moins consciemment, centrée sur le mystère de l’Eglise.
Un premier moment souligne la réalité objective de l’Eglise comme Corps du Christ : ce sont les conciles du 17e siècle qui, malgré leur langage maladroit, tributaire des controverses entre Réforme et Contre-Réforme, insistent sur le caractère divino-humain, sacramentel de l’Eglise (contre le calvinisme oriental de Cyrille Loukaris), mais aussi sur la nécessaire union des deux volontés, divine et humaine, pour la manifestation «pneumatique» de cette plénitude (contre l’ecclésiologie magique des vieux-croyants et la conception latine d’une eucharistie sans épiclèse).
A la fin du 18e siècle commence un deuxième moment, où l’Eglise s’est surtout affirmée comme peuple de Dieu et temple du Saint-Esprit. La réadaptation de l’hésychasme par Païssy Velilchkovsky, sa diffusion dans le peuple, la transfiguration et l’enseignement de saint Séraphin de Sarov, montrent d’une manière concrète, expérimentale, que l’Eglise est le lieu de la déification de l’homme par « l’acquisition du Saint-Esprit ». L’encyclique des patriarches orientaux en 1848 et l’écho qu’elle trouve dans la pensée d’un Khomiakov, mettent l’accent sur la sauvegarde de la vérité par le peuple de Dieu tout entier, éclairé par le Saint-Esprit dans la mesure où il s’unifie, en Christ, par la foi et l’amour.
Au 20e siècle, un troisième moment, qui récapitule et intègre les précédents, insiste surtout sur le thème d’une toute-présence transfigurante, sur l’Eglise comme réceptacle débordant des énergies divines, comme matrice d’une humanité et d’un cosmos renouvelés. Il suffit de penser aux intuitions de la philosophie religieuse russe, de l’onomolâtrie, de la sophiologie, intuitions que le renouveau palamite contemporain doit rectifier et assumer. Chaque fois, la réponse est claire aux recherches et aux angoisses de l’histoire : à la fin du 18e siècle, c’est la réplique à «l’orgueil des lumières» et l’intégration ecclésiale du piétisme occidental ; au 19e siècle, la doctrine de la sobornost correspond à la prise de conscience du devenir et du social ; au 20e siècle, seule une « ecclésiophanie » plénière, inséparable de l’œcuménisme, peut donner sens à l’unification planétaire de l’histoire, à la recherche, à travers le service et la ruine des idéologies, de l’homme comme personne et comme humanité. Seul un palamisme renouvelé, fécondant l’Eglise redevenue indivise, peut donner sens à l’exploration technique du cosmos, de la matière, du psychisme humain. Ce cahier n’a d’autre but que de contribuer pour une faible part à cette recherche — pour nous, orthodoxes, à cet approfondissement — de l’Eglise en plénitude.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 73-75]

La conscience catholique : Implications anthropologiques du dogme de l’Eglise
[p. 76-88]
Vladimir Lossky

Ecclésiologie orthodoxe et dialogue œcuménique
[p. 89-106]
Olivier Clément

La tradition monastique occidentale du IXe au XIe siècle
[p. 107-117]
Un fils de saint Benoît

Tribune libre
• La jeunesse orthodoxe et ses problèmes (suite)
[p. 118-124]
Contacts
• Mise au point de Gabriel Matzneff
[p. 124-127]
Gabriel Matzneff
• Un mot de Mme Behr-Sigel
[p. 127-129]
Elisabeth Behr-Sigel

Chronique
• Le Père Basile Zenkovsky
[p. 130-134]
P. Boris Bobrinskoy
• Dans les pas du P. Valentin de Bachst
[p. 135-137]

Bibliographie
• Unité de l’Eglise et tâche œcuménique – Heinrich Schlier, Hermann Volk et Wilhelm de Vries
[p. 138-140]
• S. Cyrille de Jérusalem : Catéchèses baptismales et mystagogiques
[p. 140-141]
• Nos Pères dans la foi –
B. Vandenberghe
[p. 1421]
• Intelligence et sainteté dans l’ancienne tradition chrétienne – André Mandouze
[p. 142-143]
• Comment prier les psaumes de malédicton
[p. 143-144]
• Forez et Velay romans – Le Zodiaque
[p. 144]