N° 91 – 3e trim. 1975
Liminaire
Trois grandes méditations « johanniques » composent l’essentiel de ce numéro.
Dans un ample commentaire sur Jean 19, 34, Le Saint-Graal, pour la première fois traduite en français, le P. Serge Boulgakov développe un aspect majeur de sa vision divino-humaine et divino-cosmique du christianisme. Le sang et l’eau qui ont jailli du côté transpercé du Christ en croix sont restés dans le monde et l’ont transformé en coupe du Graal. Cette présence terrestre du Christ anime toute l’histoire humaine dont Boulgakov présente, pour finir, une conception à la fois tragique et dynamique, au rebours de tous les manichéismes.
Pour que le monde croie, de l’évêque Anastase Yannoulatos, est un autre commentaire johannique qui définit l’Eglise, au-delà des barrières culturelles, et de son propre pharisaïsme, comme une communion vivante — donnée et toujours à réaliser — à l’image de la Trinité, une participation à la gloire par la Kénose. L’évêque Anastase suggère ainsi la présence missionnaire du prêtre, enracinée dans la liturgie et engagée — mais selon une autre perspective et avec une autre force — dans les problèmes de l’époque.
Dans Le service de la vérité, Constantin Andronikof déploie un discours théologique rigoureux sur une approche cataphatique de la vérité où reviennent sans cesse les grands thèmes johanniques de la lumière, de l’amour et de la vie. La vérité apparaît comme une participation, en Christ et dans l’Esprit, au Dieu vrai et fidèle. Participation sacramentelle, liturgique, inséparable de la communion ecclésiale, de la transformation, en l’homme, de l’image en ressemblance. L’orthodoxie est appelée à devenir orthopraxie, l’intelligence se régénérant ainsi dans la Lumière.
Jean Besse, avec Affinités spirituelles du Baroque russe, apporte une étude d’histoire des profondeurs, contribution originale et forte qui, dans une vision globale du Baroque, du Brésil et du Portugal à Moscou et Saint-Pétersbourg, de l’immensité océanique à celle d’une terre aux dimensions d’océan, réhabilite les grandes, et diverses, créations du Baroque russe. L’accent est mis simultanément sur l’unité d’un moment spirituel du christianisme universel et sur son assomption dans l’Orthodoxie, une Orthodoxie autrement ouverte et complexe qu’on ne l’imagine souvent : le dynamisme de l’épectase, la tension entre le divin et l’humain trouvent, dans des voies partiellement différentes d’un certain hiératisme, c’est-à-dire dans un Baroque transfiguré, une expression bouleversante et pacifiante à la fois. Ce pourrait être une indication pour aujourd’hui.
Sommaire
Liminaire
[p. 280]
Le Saint Graal
[p. 281-318]
Père Serge Boulgakov
Pour que le monde croie
[p. 319-322]
Evêque Anastase Yannopoulos
Le service de la vérité
[p. 323-350]
Constantin Andronikof
Etude
Affinités spirituelles du Baroque russe
[p. 351-358]
Jean Besse
Bibliographie
• Dostoïevsky : Miroir. Anthologie de textes critiques – Alexis Klimov
[p. 359-360]