Contacts, n° 95

N° 95 – 3e trim. 1976

Liminaire

Les textes publiés dans ce numéro, et qui frappent par leur consonance, voudraient suggérer une position ortho­doxe concernant la présence des chrétiens dans la culture et la politique. Il ne s’agit pas de recettes, mais d’une inspi­ration à la fois critique et créatrice. Et celle-ci provient de la notion chalcédonienne de divino-humanité comme espace de l’Esprit.

Un jeune théologien orthodoxe belge, Alexis van Bunnen, dans Le christianisme, théisme ou humanisme ?, montre qu’aucun de ces termes, pris isolément, ne peut enfermer la vérité du Dieu qui s’est fait homme pour que l’homme puisse se faire Dieu.

Pannayotis Nellas, qui vient de publier à Athènes une profonde étude sur le grand liturgiste et spirituel byzantin Nicolas Cabasilas, un vrai témoin de la divino-humanité, développe la même pensée — La mort de Dieu et la résur­rection de l’homme — pour répondre au défi de divers athéismes contemporains ; nous voyons bien aujourd’hui que la mort de Dieu résulte en partie elle-même de certaines caricatures « théistes ». Le Dieu vivant transcende sa propre transcendance pour « descendre », homme, jusque dans la mort et l’enfer, afin que la résurrection désormais nous inves­tisse du fond même de notre déréliction, qu’elle libère notre liberté et lui ouvre l’espace infini de l’Esprit.

Car la résurrection, c’est la puissance de l’Esprit, dont Georges Fédotov — De l’Esprit Saint dans la nature et la culture — montre la présence et l’action dans le dynamisme cosmique comme dans l’inspiration de tout créateur de beauté : présence que l’Eglise ne doit nullement mépriser, mais dont il lui appartient de surmonter l’ambiguïté par la « critère de la croix ». Georges Fédotov, né en 1886 à Saratov, mort en 1951 à New-York après avoir, dans l’entre-deux guerres, enseigné à l’Institut Saint-Serge de Paris, fut un historien de l’Eglise qui renouvela l’étude de la sainteté (Saints de l’Ancienne Russie, Paris, 1931). Il fut toujours préoccupé du rapport du christianisme et de la culture, ainsi que de la « signification sociale du christianisme » (titre d’un de ses livres publié à Paris en 1933).

On trouvera ensuite des extraits du récent ouvrage de Christos Yannaras, — Etudes de théologie politique, Athènes, 1976, — au vrai recueil des chroniques que ce théologien, loin de s’enfermer dans le langage ésotérique et satisfait d’une (impossible) « spécialité », donne chaque mois dans un grand quotidien d’Athènes, To Vima. Ces études sont donc aussi des actes. Nous avons choisi l’introduction, où Christos Yannaras montre comment l’inspiration orthodoxe en politique doit être cherchée dans la tension ecclésiale vers la personne en communion, vers une existentialité trinitaire ; et deux chroniques de durable portée, l’une consacrée au Cauchemar de la mondialité, cette impuissance à la véri­table universalité, l’autre à la Nouvelle Résistance, appel à un approfondissement du vécu chrétien de l’histoire grecque face aux tentations d’une européanisation triviale.

Olivier Clément, dans Notes éparses pour une théologie de l’histoire, essaie de définir la présence de l’Eglise dans l’histoire comme eschatologie active, « utopie » et révolution culturelle d’une communion trinitaire déjà offerte en Christ, mais à « innover » inépuisablement dans l’Esprit ; il aborde ensuite le problème du marxisme pour finir par une réflexion, inspirée de l’exemple monastique et de la méditation patristique, sur le sens du travail.

Nous donnons enfin les conclusions d’une excellente étude de l’Archimandrite Nectaire Hatzimikhalis sur Le problème de la propriété et l’Eglise des trois premiers siè­cles, où l’on verra comment l’Eglise ancienne, refusant aussi bien toute systématisation politique que tout piétisme théologico-liturgique à l’écart du monde, a su appliquer d’une manière créatrice, concernant la propriété, le dynamisme de communion qui l’animait.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 185-186]

Le christianisme : théisme ou humanisme
[p. 187-194]
Alexis van Bunnen

La mort de Dieu et la résurrection de l’homme
[p. 195-211]
Pannayotis Nellas

De l’Esprit Saint dans la nature et dans la culture
[p. 212-228]
Georges Fedotov

Etudes de théologie politique
[p. 229-242]
Christos Yannaras

Notes éparses pour une théologie de l’histoire
[p. 243-257]
Olivier Clément

Le problème de la propriété et l’Eglise des trois premiers siècles
[p. 258-262]

Note de lecture
L’Eglise du Saint Esprit du Père Nicolas Afanassieff – Elisabeth Behr-Sigel
[p. 263-269]

Chronique
• En souscription : Alexandre Boukharev par Elisabeth Behr-Sigel
[p. 269]
• Cours de l’Institut Saint-Serge en français 1976-77
[p. 270-271]
• Cours de l’Institut Saint-Denys en français 1976-77
[p. 271-272]
• Formation œcuménique interconfessionnelle par correspondance
[p. 272]