Contacts, n° 108

N° 108 – 4e trim. 1979

Liminaire

Nous présentons d’abord une belle méditation du Père Alexis Kniazeff, recteur de l’Institut de théologie orthodoxe de Paris, sur L’actualité de Saint Basile le Grand, que le monde chrétien célèbre particulièrement cette année à l’occasion du seizième centenaire de sa mort.

Nous continuons par une suite de méditations élaborées par le Père Lev Gillet à l’occasion d’une retraite. Ces méditations sont consacrées à Marie, mère de Jésus. Avec une simplicité transparente, libérée de tout jargon (pseudo) théologique, celui qui signe habituellement « un moine de l’Eglise d’Orient » suggère ici, paisiblement, fortement, les fondements mêmes de la mariologie orthodoxe. Ainsi évoque-t-il successivement « l’humble ser­vante », « l’humble concevante », « la compatissante », « Marie et la Pentecôte : la plus aimante ». Il n’y a pas de polémique dans ces pages, seulement le positif de notre foi où la Tradition est sans cesse repensée à partir des Evangiles. Et cette foi, dont la discrétion devant le mystère n’empêche pas la hardiesse, n’est jamais spéculation ou exaltation : elle transforme peu à peu notre âme elle-même dans la rencontre et l’imitation de la Mère de Dieu.

Dans Conséquences politiques de la Rédemption, les diffé­rents aspects du salut en Jésus-Christ, Dominique Barbé nous montre quelle peut être la fécondité, aujourd’hui, d’une rencontre en profondeur entre l’Occident et l’Orient chrétiens. Dominique Barbé est un prêtre catholique qui porte, non sans risques, son témoignage dans un des quartiers les plus misérables de Sao Paulo, au Brésil. Il tente de re-situer, d’approfondir dans une perspective créatrice les requêtes de la « théologie de la libération » par une découverte du sens orthodoxe du mystère : le sens pan-humain et cosmique de la résurrection, la grande vision trinitaire libérée du filioquisme devenant, dans la « personne synthétique » du Christ, le mode d’existence auquel les hommes sont appelés, tels sont surtout les thèmes sur lesquels son expé­rience et son service des exclus, des marginaux, l’ont amené à réfléchir. « Il s’agit, écrit à l’un de nous Dominique Barbé, d’infi­niment plus que d’un travail intellectuel. Il y a là le sang des torturés et l’âme des habitants des favellas ». C’est une joie pour « Contacts » de servir ainsi de trait d’union entre les chrétiens d’Europe orientale, qui portent le témoignage de Dieu au sein d’ « athéocraties » inquisitoriales et les chrétiens d’Amérique latine qui portent le témoignage de l’homme image de Dieu dans des sociétés ravagées par un capitalisme sauvage et d’impitoyables dictatures qui font de la torture un moyen quotidien de gouvernement. Par cette rencontre pourrait se réinventer une spiritualité créatrice, une politique non-violente qui ferait rayonner dans les fondements mêmes de la culture et de la société le témoignage des contemplatifs.

Jean Besse, dans L’image poétique en Syrie et en Arménie chrétienne, nous montre justement ce que doit être une poétique de la sainteté. On a beaucoup étudié l’image peinte, ses implica­tions spirituelles, les canons qui la régissent. Jusqu’à présent, on a quelque peu négligé l’image poétique, si importante cependant dans la création liturgique de l’Orient chrétien (et de l’Occident aussi, du moins pendant le premier moyen-âge). Jean Besse commence ici à combler cette lacune, en partant des régions — biblique en leur centre, et spirituellement sémitiques — où la parole poétique a toujours eu tendance à l’emporter sur l’image peinte. Il utilise la notion, élaborée par Corbin, d’un « imaginal » vrai, établit d’utiles contrastes avec l’art baroque, de non moins utiles convergences avec l’« alchimie verbale » de la poésie contemporaine, française surtout. L’image littéraire, « plus subtile, moins limitée et précise que l’icône peinte », décèle et célèbre le cosmos transfiguré par la lumière de la Résurrection.

En chronique, enfin, nous donnons l’essentiel d’un très impor­tant témoignage sur La vie à l’Académie de théologie et au Sémi­naire de Léningrad. Ce texte a été écrit par un jeune théologien orthodoxe hollandais, T.N.A. van der Voort, qui a étudié trois ans à l’Académie. L’analyse, menée de l’intérieur, avec beaucoup de loyauté intellectuelle, ne masque pas les ombres mais montre aussi combien l’Eglise russe sait rester vigoureuse et fidèle dans des conditions difficiles. Au-delà des écoles de théologie, c’est toute la prière d’un peuple que l’on pressent jusque dans ses innovations liturgiques significativement appelées « Passions ».

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 351-352]

Actualité de s. Basile le Grand
[p. 353-360]
Protopresbytre Alexis Kniazeff

Marie, Mère de Jésus
[p. 361-375]
Père Lev Gillet

Conséquences politiques de la Rédemption
[p. 376-407]
Dominique Barbé

L’image poétique en Syrie et en Arménie chrétiennes
[p. 408-415]
Jean Besse

Chronique
• Impressions sur la vie à l’Académie de théologie et au Séminaire de Léningrad
[p. 416-432]
T.N.A.van der Voort
• Une thèse importante : A.S. Khomiakov, juge et critique de la culture en Occident
[p. 432-438]

Bibliographie
• L’Orthodoxie Hier-Demain – Costa de Beauregard, Ion Bria, Théologue de Foucauld
[p. 439-443]
• La Colombe et l’Agneau – Un moine de l’Eglise d’Orient
[p. 444]
• Au pays de la théologie – M. Neusch, Bruno Chenu
[p. 444-446]
• Ma vie en Christ – Jean de Cronstadt
[p. 446-447]
• Qui est près de moi, est près du feu – A. Borrély
[p. 447-449]
• Philocalie des Pères neptiques. I. Calliste et Ignace Xanthopoulos – (trad. J. Touraille)
[p. 449-450]
• L’amour et la loi – C. Lejeune
[p. 450-452]
• Silence de Dieu, parole humaine – L. Gagnebin
[p. 452-453]
• Eglise, Etat, armée – Oh. Vassaux
[p. 453-454]

Mise au point au sujet de « La Colombe et l’Agneau »
[p. 455]
Un moine de l’Eglise d’Orient

Tables du Tome XXXI (année 1979)
[p. 456-457]