N° 141 – 1er trim. 1988
Liminaire
Dans sa diversité, cette livraison de « Contacts » voudrait manifester à la fois la continuité de la Tradition et sa force créatrice, face aux intégrismes de répétition.
Dans La Déification de l’homme, Georges Mantzaridis, professeur à la Faculté de théologie de Thessalonique, rappelle les fondements théologiques et anthropologiques de la sanctification où l’homme, tendu vers l’Autre dans une rencontre toujours renouvelée, participe réellement à la vie divine. Enstase-extase où la personne se définit comme dépassement dans l’amour.
Le Père Alexis Kniazeff, recteur de l’Institut orthodoxe St-Serge à Paris, dans la fin de son étude Le Royaume de César et le règne du Christ, achève d’élucider les illusions et les réalités de la théocratie orthodoxe et précise les valeurs que doivent défendre les chrétiens dans une société désormais sécularisée : celles de l’État de droit, qui assure le pluralisme et la liberté de l’esprit, afin que l’Église, devenant un partenaire à la fois idoloclaste et prophétique de cette société, la protège des sécularismes réducteurs et la garde ouverte, pour quel avenir ? nous ne savons pas, à Ia fécondation de l’Évangile.
Tatiana Goritcheva, dont on connaît l’itinéraire de l’athéisme à la foi et le rôle dans la « contre-culture » chrétienne à Léningrad, avant un exil où sa pensée ne cesse de s’affiner, nous donne Le fou chrétien au siècle de l’apophatisme ; elle souligne l’importance, dans notre civilisation nihiliste (ou post-nihiliste, marquée en tout cas par l’indifférence plus que par l’athéisme) de l’« innocent » configuré à ce « Messie à l’envers » que fut le Christ, venu non pour écraser ses ennemis mais pour être crucifié et vaincre certes la mort mais par la mort. Tatiana Goritcheva montre que l’« apophatisme est devenu le destin de la culture et de la philosophie européennes » et dégage l’importance de Nietzsche qui, dit-elle, fut pour les penseurs russes le continuateur de Dostoïevski.
Le jeune et très remarquable philosophe libanais Jad Hatem, auteur déjà de belles études sur Schelling et sur Kazantzaki, nous fait connaître, dans L’Épiphanie du visage chez Georges Khodr, le message spirituel que celui-ci a livré dans un ouvrage mi-roman, mi-autobiographie, Si je racontais le déroulement de l’enfance, texte jamais traduit de l’arabe à cause de son intensité poétique même. Il y a là des notations d’une grande pénétration sur le visage comme théophanie, sur le corps qui, de robot de l’espèce, peut devenir tout entier visage et langage du silence, sur l’articulation entre la beauté de la terre et celle de Dieu, sur le masculin et le féminin et l’androgynie spirituelle. Et nous retrouvons Nietzsche pour qui l’homme authentique, après avoir été chameau chargé de connaissances et d’abstractions, puis lion vainement combatif, doit redécouvrir « la grâce et l’audace » de l’enfance. Décidément, on ne dépasse la modernité que par la modernité.
Nous poursuivons, brièvement faute de place, la publication des Principes d’herméneutique de Paul Evdokimov. Et nous avons tenu à ouvrir ce numéro par deux brèves méditations trouvées dans les papiers de l’amie plus que jamais présente, Germaine Revault d’Allonnes.
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p. 2-3]
Méditations
[p. 4-5]
Germaine Revault d’Allonnes
La déification de l’homme
[p. 6-18]
Georges I. Mantzaridis
Le royaume de César et le règne du Christ
[p. 19-36]
Protopresbytre Alexis Kniazeff
Le fou chrétien au siècle de l’apophatisme
[p. 37-49]
Tatiana Goritcheva
L’Épiphanie du visage chez Georges Khodr’
[p. 50-59]
Jad Hatem
Principes de l’herméneutique orthodoxe
[p. 60-72]
Paul Evdokimov
Bibliographie
• Le ministère de la femme dans l’Église – Elisabeth Behr-Sigel
[p. 73-75]
• Roumanie, tradition et culture hésychastes – Père Romul Joanta
[p. 75-77]
• La Prière des chrétiens de Russie – Père Michel Evdokimov
[p. 78-79]