N° 287 – 3e trim. 2024
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Liminaire
Le 1er septembre, au moment où l’on rentre les fruits des récoltes dans les greniers, débute l’année liturgique byzantine, marquée, selon la proposition du patriarche œcuménique Dimitrios, par la célébration de la sauvegarde de la Création, avant même la fête de la Nativité de la Mère de Dieu, le 8 septembre. Le rythme du calendrier liturgique qui, chaque année, nous propose, sous son apparence cyclique, de revivre les mêmes événements de la vie du Christ, de la Mère de Dieu et des saints, n’a rien de répétitif. Il nous invite à participer toujours davantage au Royaume de Dieu, accentuant notre adhésion à la vie divine. C’est, en effet, au cœur de l’Histoire présente que se déploie notre existence nouvelle en Christ. Dieu prend corps au cœur de notre temporalité pour nous donner accès à son éternité.
Cette dynamique unique, ouverte par l’Incarnation divine, se déploie dans le temps de l’Église, à la fois marquée par son statut d’institution in via et de manifestation voilée du Royaume. Une telle articulation entre le temps de Dieu et celui de sa création se révèle particulièrement dans la mise en relation entre les événements relatés par la Bible et leurs traces archéologiques. C’est cette articulation qu’entend mettre en lumière l’étude qui ouvre ce numéro. « Comment l’archéologie éclaire-t-elle les récits bibliques ? », s’interroge le bibliste orthodoxe Stefan Munteanu. Faut-il faire concorder à toute force les données bibliques et celles révélée par les fouilles en Terre sainte ? À travers trois exemples, l’auteur élabore une réponse nuancée qui rappelle le rapport que la Bible entretient avec l’Histoire, pour les croyants : parfois, l’historicité de l’événement raconté est primordiale – c’est le cas de la résurrection du Christ, pierre angulaire de notre foi –, alors que dans d’autres récits, c’est surtout la réalité symbolique qu’il s’agit de mettre en évidence.
Dans l’article suivant, le p. Arsène Pohrib, théologien roumain, s’appuie lui aussi sur l’analyse rigoureuse d’une source historique – le traité De l’état des âmes après la mort, d’Eustrate de Constantinople (vie siècle) – pour s’interroger sur la question de la vie post mortem. Sans prétendre lever le voile sur ce mystère, Eustrate récapitule les renseignements bibliques et patristiques relatifs à cette question. Ceux-ci, rappelle l’auteur, trouvent leur fondement dans la divino-humanité du Christ, Premier-Né d’entre les morts qui partage avec les êtres humains sa vie divine. La contextualisation du traité permet d’en éclairer les notions théologiques en vue de mieux saisir les modalités de notre union à Dieu.
Michel Stavrou revient ensuite sur une page importante et trop peu connue de l’histoire de l’Église : l’union de Lyon (1274) entre Byzantins et Latins. Expliquant les circonstances de cet accord poursuivi pour des raisons politiques par l’empereur byzantin Michel VIII Paléologue, il montre la médiocrité de sa préparation, l’acharnement et la férocité dans sa mise en œuvre partielle à Constantinople, et son rejet final en 1281 autant par les efforts des confesseurs de la foi orthodoxe que par la décision du pape français Martin IV qui n’y croyait pas. Cette page d’Histoire incite à vérifier que le présent dialogue théologique poursuivi entre les Églises soit toujours mené sur des bases solides et authentiques qui excluent toute instrumentalisation ou récupération d’ordre politique.
Le dernier texte du présent volume offre l’illustration d’un authentique dialogue en cours, puisque nous reproduisons, pour la première fois en traduction française, le document d’accord œcuménique adopté l’an dernier par la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe lors de sa 15e session réunie à Alexandrie en juin 2023. Les signataires sont parvenus à s’entendre sur cette déclaration commune concernant « la synodalité et la primauté au deuxième millénaire et aujourd’hui ». Revenant sur la façon dont ces deux notions clés se sont articulées en Orient et en Occident durant le deuxième millénaire de l’Église, ils soulignent ensemble que « l’Église n’est pas correctement comprise comme une pyramide, avec un primat gouvernant depuis le sommet, mais elle n’est pas non plus correctement comprise comme une fédération d’Églises autosuffisantes ».
La conclusion du document invite à explorer de nouvelles voies pour conjuguer la primauté et la synodalité dans des Églises marquées par une diversité de traditions. 750 ans après la tentative d’union forcée au concile de Lyon II, le travail pour rétablir – avec l’aide de Dieu – la pleine communion entre les Églises apparaît comme une nécessité primordiale, afin que l’incarnation du vivre-ensemble au cœur de l’Histoire dans un monde fragmenté manifeste l’amour oblatif qui unit les personnes de la divine Trinité.
Contacts
Sommaire
Liminaire
[p.217-219]
Bible, archéologie et théologie : Comment l’archéologie éclaire-t-elle les récits bibliques ?
Stefan Munteanu
[p.221-248]
Le traité De l’état des âmes après la mort d’Eustrate de Constantinople, témoin d’une controverse du vie siècle sur la destinée des âmes post mortem
Hiéromoine Arsène (Alin) Pohrib
[p.249-267]
L’union de Lyon (1274-1281) : sept ans d’épreuves pour l’église byzantine
Michel Stavrou
[p.268-286]
Synodalité et primauté au deuxième millénaire et aujourd’hui – Texte d’accord œcuménique de la conférence d’Alexandrie (2023)
Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’église catholique romaine et l’église orthodoxe
[p.287-309]
Chronique
[p.310-314]
Bibliographie
[p.315-324]