Contacts, n° 56

N° 56 – 4e trim. 1966
(rupture de stock)

Liminaire

Réalité du Miracle ?

Un certain nombre de chrétiens — parmi les mieux intentionnés — semblent prêts, non seulement à assumer la sécularisation contemporaine comme une purification providentielle, mais à bénir comme tel le monde sécularisé. Héritiers inconscients de l’aristotélisme médiéval ou du dualisme de la Réforme, ils considèrent que ce monde, avec la cohérence apparente de ses phénomènes tels que la science les étudie, constitue sans autre la création de Dieu, automatiquement sauvée par le Christ, pourrait-on dire. Dans cette perspective « christiano-naturelle » — pour reprendre l’expression de Nikos Nissiotis —, le miracle n’a pas de sens, ni l’Eglise comme foyer de miracles, signes et déjà manifestations du grand Miracle de Pâques et de la Parousie. Et comme la Bible est pleine de miracles, on manipule la notion de mythe pour les réduire à des événements intérieurs, purement existentiels, qui ne mettent nullement en cause l’enchaînement « naturel » des phénomènes.

La lassitude bien compréhensible provoquée par la réalité sociologique des Eglises explique certes qu’on préfère ne plus voir Dieu que dans la profondeur de l’amitié humaine, au cœur du social, dans les grands bouleversements collectifs de l’humanité.

Le risque, c’est qu’à force d’être présent au monde on néglige la vie divine qui seule peut sauver le monde. C’est qu’à force de s’indigner des péchés de l’Eglise, on oublie son mystère, cette sainteté qui n’est pas des hommes mais que Dieu leur offre dans le « Corps d’Esprit » du Ressuscité. Au-delà de tant de misères, d’impuissance et d’amertume, l’Eglise sainte nous abreuve de paix, de silence, de louange, elle nous permet de devenir, pour féconder le monde, mais à la mesure de notre humilité, des hommes « eucharistiques ». Si l’on ne s’enracine pas dans cette sainteté, cette beauté, cette douceur, on périra d’inanition, on se trouvera vide et dépourvu lorsqu’il faudra répondre à la faim terrible des âmes. Ceux qui veulent se débarrasser des miracles de l’Ecriture et réduire la Résurrection à la ferveur, devant le Crucifié, de la première communauté chrétienne, ceux qui n’imaginent même plus qu’un chrétien rempli de l’Esprit de Vie puisse faire des miracles, que feront-ils quand éclateront les miracles de l’Antéchrist ?

Il importe donc qu’à la présence au monde — diastole de l’Eglise pourrait-on dire — corresponde, dans un mouvement non moins indispensable de systole, de recueillement, l’ouverture au Dieu vivant, la grande nuptialité des cœurs embrasés pur la vie divine.

Celui qui se laisse ainsi transformer ne découvrira-t-il pas le miracle comme la vraie nature des choses, leur retour, dans le Christ ressuscité, à leur transparence et leur dynamisme originels — dont la géologie ou la paléontologie, par parenthèses, n’ont rien à nous dire, car elles sont incluses, comme toute science positive, dans la modalité déchue du monde créé — ? Ne découvrira-t-il pas que lui nécessité « positive », avec ses enchaînements implacables, est un visage de la mort, et que le monde déchu est un monde de glace qui naturellement se liquéfie au contact du fait que le Christ est venu porter sur la terre ? C’est-à-dire d’abord en Christ et autour de lui — en qui demeurait corporellement la plénitude de la divinité —, et maintenant dans ses amis et autour d’eux.

Seuls ceux qui s’engagent sur la voie de la sainteté peuvent comprendre la logique métalogique du miracle, car les saints deviennent eux-mêmes miracle. Sans contraindre personne : la taie est épaisse sur l’œil du cœur ; en se bornant à la vision duelle on peut tout expliquer ou presque.

Contacts

Sommaire

Liminaire
Réalité du miracle ?
[p. 237-238]

Hymne
[p. 239]
Saint Syméon le Nouveau Théologien

Sur la mort
[p. 240-280] télécharger en pdf
Père Paul Florensky

Les sectes dans le monde orthodoxe
[p. 281-300]
Olivier Clément

Prolégomènes à la gnoséologie théologique
[p. 301-314]
Nikos Nissiotis

Courrier des lecteurs
• Discours sur les psaumes – Augustin
[p. 314]

Chronique
• A propos de « La Queste d’Irénée Winnaert »
[p. 315-319]
Elisabeth Behr-Sigel
• Thessalonique et l’Ouganda
[p. 320-321]
Archimandrite Nectaire Hatsimikalis
• Un pèlerinage œcuménique à l’ère atomique
[p. 322-325]
Nadine Fuchs

Bibliographie
• Catalogue sélectif de publications religieuses
[p. 325-326]

A nos amis
[p. 326]