Contacts, n° 58

N° 58 – 2e trim. 1967
(rupture de stock)

Liminaire

La majeure partie de ce numéro est consacrée au problème de la paternité spirituelle. La révolte moderne s’est dressée contre les formes dominatrices, terroristes, pauvrement « monothéistes » de la paternité. A son terme, quand tarissent les disciplines de la continuité et de la création, rien n’est plus actuel que de (re)découvrir une paternité de type non plus unilatéralement «monothéiste» mais «trinitaire», une paternité sacrificielle qui ne domine pas mais engendre à la liberté. L’Orthodoxie pourrait avoir beaucoup à dire ici, elle qui n’a jamais connu ni la cruauté de la conception anselmienne, ni une « direction de conscience » qui parfois infantilise, ni le « retour à l’Islam » (ou plutôt au judaïsme) des divers puritanismes. Paul Evdokimov dégage l’essentiel, — le permanent —, d’une tradition spirituelle dont nous avons à comprendre l’esprit pour l’actualiser selon les exigences de notre époque. Son étude permettra de distinguer le vif et le mort dans les gestes et les textes qu’apportent ensuite le professeur Nicolas Arseniev (pour l’Eglise russe) et le P. Ambroise Fontrier (pour les Pères du Désert et la tradition byzantine) : le mort relevant soit d’une psycho-sociologie patriarcale et constantinienne aujourd’hui révolue, soit du combat que la spiritualité chrétienne a dû mener longtemps, pour affermir la personne, contre des forces de vie qu’il nous appartient maintenant d’assumer et de transfigurer.

Tout naturellement, le thème de la paternité nous a conduits à publier le début d’une assez longue étude sur Fédorov, un philosophe religieux que l’on cite sans le connaître. Un premier article, dans ce numéro, suggère un visage et un destin. Un second présentera la doctrine de Fédorov, un troisième son influence sur Dostoïevski. Toute la pensée de Fédorov, en effet, critique la notion moderne de progrès au nom des pères rejetés au néant pour servir d’engrais à l’histoire ; suggère que le dogme de la Trinité manifeste sa fécondité sociale dans la recherche de la plus grande unité conjointe à la diversité la plus totale ; propose que l’« œuvre commune des hommes » multiplie et étende la puissance de la Résurrection, les fils ne pouvant se justifier qu’en préparant la résurrection de leurs pères.

Certes Fédorov n’est pas un théologien au sens habituel — et nécessaire — de vérificateur des poids et mesures. Mais il a fécondé d’intuitions profondément orthodoxes le problème de la science et de la technique et il nous appartient de reprendre le meilleur de sa recherche en la purifiant de toute ambigüité. C’est cela, la Tradition vivante de l’Eglise, elle n’est pas faite de peur, mais d’audace.

Elisabeth Behr-Sigel, selon cette quête œcuménique des convergences qui caractérise aussi notre effort, évoque ensuite un spirituel catholique d’aujourd’hui dont l’expérience, fécondée par celle de Dostoïevsky, situe dans la perspective du combat de Jacob la rencontre de l’homme et de son Dieu.

On trouvera enfin quelques chroniques. L’une, concernant l’« Eglise catholique-orthodoxe de France », n’est pas de condamnation — rien ne serait plus étranger à l’esprit de cette revue — mais d’information douloureuse, entre les lignes de laquelle se devinent la prière et l’appel. L’autre, concernant la Grèce, se borne, en toute discrétion, à souligner des promesses et des mûrissements spirituels. Nous reviendrons, quand plus de recul sera possible, sur le contexte historique critique où se trouve désormais l’Eglise grecque, sur les promesses de renouveau que pourraient représenter la personnalité et l’action du nouvel archevêque d’Athènes. Nous reviendrons aussi sur la situation en Russie. La dernière chronique, enfin, reproduit l’appel de Claude Lepelley pour une « association d’étude théologique et de recherche spirituelle groupant des orthodoxes et des chrétiens d’Occident », appel dont nous souhaitons qu’il soit entendu par plusieurs d’entre nous.

Servir ici l’Orthodoxie, la décanter de ses limitations historiques par la rigueur et la critique de l’Occident, telle est d’abord notre manière de manifester notre communion avec nos frères des Eglises traditionnelles, dans l’unité du Christ souffrant et ressuscité.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 97-99]

La paternité spirituelle
[p. 100-107]
Paul Evdokimov

La direction spirituelle dans l’Eglise russe
[p. 108-129]
Nicolas Arseniev

La direction spirituelle chez les Pères du Désert et dans la Tradition Byzantine
[p. 130-146]

Choix de textes traduits et présentés par le R.P. Ambroise Fontrier :
Fedorov et la philosophie de l’œuvre commune – I. L’homme et son destin
[p. 147-166]
Jacqueline Grunwald

Un essai de spiritualité contemporaine : Le combat de Jacob
[p. 167-174]
Elisabeth Behr-Sigel

Chronique
• Institut Supérieur d’Etudes œcuméniques
[p. 175]
• A propos de l’actualité théologique en Grèce
[p. 176-179]
• A propos de l’« Eglise catholique-orthodoxe de France »
[p. 180-181]
• Deuxième Rencontre Internationale de Jeunes à Taizé [p. 181]
• Pour une association d’étude théologique et de recherche spirtuelle groupant des orthodoxes et des chrétiens d’Occident
[p. 182-184]
Claude Lepelley

Bibliographie
• Les sources de la Foi – J. Hermel
[p. 184]
• A l’image et à la ressemblance de Dieu – Vladimir Lossky
[p. 184]