N° 64 – 4e trim. 1968
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Liminaire
Ce numéro est consacré aux Journées théologiques de Massy en 1968. Ces « journées », qui réunissent d’habitude les « théologiens » (c’est-à-dire les diplômés en théologie) orthodoxes qui poursuivent des études en France, ont revêtu cette année une ampleur particulière. Leur thème, la beauté, avait attiré des artistes et des poètes, et tout un jeune public qui reste généralement étranger à la « théologie ».
Le numéro s’ouvre sur la prédication limpide du P. Lev Gillet, car les « journées » de Massy, toujours un samedi et un dimanche, culminent, grâce au P. Lev, à la célébration de la liturgie de saint Jean Chrysostome non seulement en français mais dans un style sobrement français, qui est service clarifiant de l’universel.
Puis viennent, dans l’ordre où elles ont été prononcées, les quatre études qui ont constitué l’effort de réflexion et de recherche de ces « journées ». Jean Onimus, l’essayiste et critique catholique, l’un des esprits les plus aigus et les plus ouverts de ce temps, a présenté d’abord les métamorphoses contemporaines de la beauté. C’est une initiation à l’art d’aujourd’hui dans un éclairage implicitement spirituel, et Onimus sait admirablement discerner toutes les promesses de vie. Cet art refuse la notion « moderne » d’une beauté séparée et délectable, qui serait dérisoire et injuste quand se joue le destin de l’homme ; mais il est fasciné par l’horreur et par l’innocence, il cherche le choc d’un sacré brut, l’approfondissement dans l’existence, la communion des choses les plus humbles — préparant peut-être (cela dépend de nous), par l’élargissement sans fin du champ esthétique, une illumination qui ne mépriserait rien, n’oublierait rien. Pierre Emmanuel, l’un des trop rares créateurs chrétiens dans la poésie et la pensée de ce temps, évoque sa découverte et son service de la beauté, dans une improvisation grave et lumineuse qui fut sans doute le moment le plus unifiant de ces « journées », car la parole ne s’y séparait pas de l’expérience. Le poète parle ainsi de son enfance campagnarde, — les choses, les chants, les Rogations bénissant la terre, l’école et ses gauches poésies —, puis rappelle son apprentissage de la ville, sa découverte de l’histoire et des visages. Il médite sur la création authentique, création de vie que chacun peut réaliser dans l’attention et dans l’accueil, à l’image de la Réalité qui nous accueille et nous renouvelle, dans l’humble participation à cette vivante et personnelle Parole qui fonde l’être. Paul Evdokimov étudie la beauté dans la tradition biblique, patristique et iconographique. Il précise une théologie de la Beauté comme Nom divin, et met en valeur le sens « philocalique » de l’Orthodoxie. Tout culmine à l’icône où la personne devient sacrement de la Présence, de la Parousie, et dont la beauté lumineuse, «trans-figurative», nous introduit au Silence, « ce langage du monde à venir ». Enfin Olivier Clément, dans une étude où la théologie tente de discerner les significations de l’histoire, s’interroge sur les risques et les chances de la beauté aujourd’hui. Exploration de l’enfer et nostalgie de synthèse, « culturisme » et « barbarie » alternent et se mêlent. Seule la beauté du Ressuscité — et de ceux qui ressuscitent en lui — parce qu’elle est passée par la croix, par l’enfer, peut tout transfigurer dans la lumière de l’Esprit « donateur de vie ».
Au cœur du drame contemporain gît un double paradoxe. D’une part des athées, tout en niant l’absolu, cherchent une expression totale de vie et de beauté. D’autre part les chrétiens, tout en confessant l’absolu, l’oublient dans un activisme moral, deviennent incapables d’une création de pensée et de vie, laissent à l’athéisme les vastes domaines de la culture. Ceux qui nient Dieu cherchent le sacré. Ceux qui confessent Dieu nient le sacré.
Comme le montre Jean Onimus dans ce numéro, avec le reflux des « religions », le sens du sacré tend à se confondre avec celui de la beauté. Ce sacré brut sera-t-il «luciférien» ou «paraclétique» ? Cela dépend de nous, de notre combat spirituel. — Les « journées de Massy », cette année, ont coïncidé avec le début de la crise de mai. Ce n’est pas le moment de s’occuper de la beauté, a-t-on dit alors aux organisateurs. Au contraire, c’était, et c’est plus que jamais, le moment. Seul un christianisme créateur de beauté, seul un christianisme de la créativité dans le Saint-Esprit peut répondre à la soif d’absolu qui anime tant de jeunes aujourd’hui et qui deviendra destructrice si nous ne savons pas, tout en exorcisant ses idoles, accueillir et féconder son exigence la plus radicale.
Sommaire
Liminaire
[p. 245-247]
Homélie
[p. 248-254]
Archimandrite Lev Gillet
Métamorphose de la beauté
[p. 255-272]
Prof. Jean Onimus
Vision de la beauté : La Bible, les Pères et l’Icône
[p. 273-299]
Pierre Emmanuel, de l’Académie Française
Crise et promesses à propos de la Beauté
[p. 300-322]
Prof. Olivier Clément
Chronique
• Pour un « Mouvement de Jeunesse Orthodoxe de France »
[p. 342]
• Institut Supérieur d’Etudes Œcuméniques (session 1968-1969)
[p. 342-344]
• Chaire d’œcuménisme. Faculté de Lyon (session 1968-1969)
[p. 344]
Bibliographie
• Chrétiens ensemble : Journal d’Upsal – Anne Perchenet
[p. 345-346]
• Oecumenica 1967 – Centre Œcuménique de Strasbourg
[p. 347-348]
Table décennale 1959-1968
[p. I-XI]
Nos éditions
[p.XII]