Contacts, n° 111

N° 111 – 3e trim. 1980

Liminaire

L’Homélie sur la Nativité, de saint Grégoire Palamas, traduite par Jérôme Cler, constitue un document d’un grand intérêt sur la spiritualité eucharistique à la basse époque byzantine. On est frappé, non seulement par le réalisme eucharistique, traditionnel en Orient, mais par un christocentrisme plein d’une très tendre humanité, où Jésus apparaît non seulement comme le frère, l’ami, l’époux, mais comme le père et la mère, il y a là des accents nouveaux par rapport aux expressions proprement patristiques. Un christocentrisme à la fois ultra-réaliste et passionné n’est donc pas le monopole de la religion populaire latine.

Olivier Clément, dans ses Notes sur le Grand Canon de saint André de Crète, essaie de cerner, dans une langue traditionnelle mais ouverte aux recherches de notre époque, le mystère de la métanoïa. Il montre comment le Grand Canon, ni masochiste, ni moraliste, explore les abîmes de la séparation et de la désespérance humaines pour y rencontrer le Dieu incarné et crucifié qui ne cesse de descendre dans notre enfer pour y faire jaillir sa lumière. L’ascèse est donc d’abord confiance et humilité, fondée non sur une tension stoïcienne mais sur le grand retournement évangélique.

Panos Lialiatsis (A la racine de la peur et du murmure) nous fait découvrir, à travers le dernier livre de P.V. Paschos, une poésie profondément grecque, chrétienne et contemporaine où se réin­vente, dans la continuité de la tradition byzantine, la liturgie neuve, encore chuchotée, de nos angoisses et de nos hésitantes résur­rections. Il y a là une Grèce qui, pleinement intégrée à la plus haute culture européenne (précisons : non pas occidentale, mais européenne : Lialiatsis mentionne Mallarmé, Claudel et Rimbaud), y apporte son témoignage spécifique, celui d’une Orthodoxie incarnée.

Les chroniques (sauf celle de Jean Besse, qui pose le problème d’une Orthodoxie capable aussi d’être inclusive) concernent d’une manière ou d’une autre, le mystère de l’homme et de la femme. Trois Parisiennes orthodoxes, porte-parole de beaucoup d’autres, répondent à une enquête du Conseil Œcuménique sur « Hommes et femmes dans l’Eglise » : on trouvera là les éléments d’une réflexion orthodoxe originale, d’ailleurs plurielle. Sur les problèmes posés sur la différence et la réciprocité de l’homme et de la femme, les Eglises orthodoxes ne pourront en rester indéfiniment à l’argument d’une obéissance pieuse à la « tradition » (laquelle d’ailleurs ? N’y a-t-il pas eu par exemple des diaconesses ordon­nées jusqu’au 12e siècle ?). Il y a des pourquoi ? auxquels il faut savoir répondre, par un approfondissement de la conception propre­ment orthodoxe de l’être humain. Une réponse admirable s’ébauche d’ailleurs dans l’Orthodoxie russe la plus intelligente, donc la plus persécutée, chez les intellectuelles qui trouvent dans la contem­plation de la Mère de Dieu la source d’un féminisme différent.

La chronique Féminisme russe et Mère de Dieu étudie la naissance de ce mouvement qui a pris maintenant le nom de « Marie ». Sa principale instigatrice, Tatiana Goritcheva, a été chassée de son pays l’été dernier. Mais, dans l’exil comme en Russie, le mouvement continue. Notons-le : seule, jusqu’à présent, dans le monde chrétien, l’Eglise orthodoxe a donné naissance à un mouvement féministe d’inspiration profondément spirituelle et mariale. On devrait y penser, au Conseil Œcuménique et ailleurs, au lieu de s’en tenir aux déclarations de prélats qui, de peur d’inquiéter l’Etat totalitaire, enfoncent l’Eglise dans un traditiona­lisme qui n’a rien à dire sur les vrais problèmes de l’époque. C’est plutôt chez Tatiana Goritcheva et ses compagnes de service qu’il faut chercher la Tradition, celle qui n’étouffe pas l’Esprit mais le libère.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 193-194]

Des saints et terribles mystères du Christ : Homélie prononcée quatre jours avant la Nativité du Christ
[p. 195-205]
Saint Grégoire Palamas

Notes sur le Grand Canon de saint André de Crète :
1. L’éveil – 2. Le Paradis perdu – 3. Les passions – 4. « Plus que tous les hommes, j’ai péché » – 5. Le Christ libérateur. A suivre
[p. 206-234]
Olivier Clément

A la racine de la peur et du murmure : sur un recueil de poèmes de P. V. Paschos
[p. 235-245]
Panos Lialiatsis

Chronique
• Réponse à l’enquête du Conseil Œcuménique des Eglises sur «Hommes et femmes dans l’Eglise» en vue d’un colloque international en 1981
[p. 246-255]
Elisabeth Behr-Sigel, Marie Joëlle Dardelin, Irène Schidlovsky
• Féminisme russe et Mère de Dieu
[p. 256-261]
Olivier Clément
• Baroque et Tradition : réflexions sur « La théologie de l’icône » de L. Ouspensky
[p. 262-263]
Jean Besse

Bibliographie
• Dieu est Amour – P. Dumitru Staniloae
[p. 264-266]
• Dans la Lumière du Christ : Saint Syméon le Nouveau Théologien – Archev. Basile Krivochéine
[p. 267]
• Dieu ou le Christ ? – Jean Milet
[p. 268-270]
• Devant le miroir . Libres propos sur la mort – J.J. Maison
[p. 271]
• Vie et conduite de notre père Saint Antoine – Saint Athanase
[p. 271]
• L’aujourd’hui des Droits de l’homme – Guy Aurenche
[p. 272]
• Philocalie des Pères neptiques. Fasc. 2  Pierre Damascène
[p. 273-274]
• Invités aux noces – S. Bernard de Clairvaux
[p. 274]
• « Et le Verbe s’est fait juif » – Emile Moreau
[p. 274-275]
• Le Saint-Esprit, présence de communion – Pierre-Yves Emery
[p. 275-276]
• Le Mirage de l’eschatologie – Jean Carmignac
[p. 276-277]
• L’espace de l’icône – Chantal Savinkov
[p. 277-279]
• Dictionnaire russe-français des termes en usage dans l’Eglise russe – Martine Roby
[p. 280]