N° 120 – 4e trim. 1982
Liminaire
Ce numéro est consacré à l’enracinement de la spiritualité orthodoxe dans le dogme et le sacrement. Constantin Andronikof, dans Dogme et mystique, montre comment le dogme est simultanément destructeur d’idoles et instrument de vision. Il induit une mort-résurrection de l’intelligence désormais vivifiée par la foi, dans le contexte d’une transfiguration ascétique de l’homme tout entier. Cet exposé, fait dans une rencontre inter-religieuse, est exemplaire d’une attitude à la fois rigoureuse et ouverte. Le père Dumitru Staniloaë étudie La liturgie de la communauté et la liturgie intérieure dans la vision philocalique. La voie philocalique ne se retranche nullement de la liturgie communautaire. Elle se situe au cœur de l’Eglise, au cœur donc de l’eucharistie, c’est en quelque sorte la prise de conscience personnelle de l’intégration du croyant au Corps déifié et déifiant du Seigneur. Toute la vie de la communauté, symétriquement, s’approfondit par la présence en elle de ces « hommes eucharistiques » Dans cet ensemble s’insère tout naturellement la suite de l’étude très documentée réalisée par Rodi Antoniadou sur Le thème du cœur dans la Philocalie grecque.
Le père Boris Bobrinskoy, en écho à l’étude du père Cyrille Argenti sur la chrismation, parue dans le numéro 118 de Contacts, montre comment les rites baptismaux se sont développés au cours des siècles pour des raisons à la fois écclésiales et spirituelles. Recours à l’histoire qui pourrait être salubre face à la tentation « orientale » de sacraliser, d’immobiliser et de projeter aux origines une pratique ecclésiale qui mêle en réalité la Tradition et les traditions.
Suivent de nombreux documents dont les plus importants concernent la Conférence panorthodoxe préconciliaire qui s’est tenue à Chambésy du 3 au 12 septembre 1982. Les résultats, fort médiocres, de cette consultation, s’expliquent en partie par la paralysie et la volonté de totale indépendance des Eglises des pays de l’Est, et par la peur de voir se renforcer les tendances qui ont déjà provoqué les schismes des « vieux calendaristes ». Ces tendances existent, mais il ne faudrait pas oublier qu’elles entraînent une immense hémorragie de fidèles, surtout dans les jeunes générations. Or, face au terrorisme intellectuel des pharisiens d’Eglise, ceux qui partent, eux, ne disent rien. Voilà l’enchaînement fatal qu’il faudrait briser, par le recours à une Tradition vivante, à une pédagogie de la foi, à un effort d’évangélisation qu’on ne saurait laisser aux sectes…
La plupart des évêques ne semblaient pas conscients de cette situation. Le seul résultat positif de la Conférence pourrait bien être l’éveil d’une partie de l’épiscopat orthodoxe à la mission pastorale dans un monde tragique et critique, qui refuse de se payer de mots. De ce point de vue, l’homélie conclusive du Métropolite Méliton, dont nous donnons le texte, semble marquer une date. Le Métropolite va jusqu’à demander pardon aux fidèles pour un épiscopat qui, après leur avoir conféré le baptême, les a purement et simplement abandonnés, pour se replier, avec une minorité de « purs », sur un néo-médiévalisme qui ne sait guère que maudire.
Ce texte important pourrait donner un nouveau départ à la préparation, sinon d’un concile proprement dit que les conditions historiques rendent pour l’instant problématique, du moins d’un renouveau de la conciliarité orthodoxe. Le Métropolite Méliton souligne en effet que les évêques devraient désormais s’associer davantage le peuple de Dieu. C’est toute une action de prière, de purification et de réflexion qu’il s’agit de provoquer, où les laïcs, là où c’est possible, auraient à comprendre et à prendre leurs responsabilités. S’opposer à l’idée de concile ou, plus précisément aujourd’hui, je le répète, d’effort de conciliarité, risque d’être stérile. Un grand évêque du Patriarcat d’Antioche (car il y a de grands évêques dans l’Eglise orthodoxe d’aujourd’hui, et ce que je disais plus haut de l’épiscopat ne saurait être entièrement généralisé), le Métropolite Georges Khodr, m’écrit : « La pression doit venir des laïcs. Je ne pense pas que l’opposition systématique à l’idée même de concile soit positive (…). Ce que je crains, en effet, c’est que les opposants éclairés au concile se retrouvent avec les « vieux calendaristes » et que l’Orthodoxie toute entière ne se voie submergée, pour des motifs différents, par une fixité mortelle ».
Sommaire
Liminaire
[p. 289-290]
Olivier Clément
Dogme et mystique
[p. 291-306]
Constantin Andronikof
La liturgie de la communauté et la liturgie intérieure dans la vision philocalique
[p. 307-322]
Père Dumitru Staniloae
Le thème du cœur dans la Philocalie (suite)
[p. 323-337]
Rodi Antoniadou
Chronique
– La chrismation (une réponse)
[p. 338-342]
Père Boris Bobrinskoy
– Colloque de Chevetogne, 23-27 août 1982
[p. 343-346]
Elisabeth Behr-Sigel
– In memoriam : le père Alexandre Tchékan (homélie prononcée à ses funérailles)
[p. 347-351]
Père Alexis Kniazeff
– Une résurgence monastique
[p. 352]
Jean Besse
Documents
– Commission mixte internationale de dialogue théologique entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe, 30 juin – 6 juillet 1982
[p. 353-363]
– IIè Conférence panorthodoxe préconciliaire, 3-12 septembre 1982
[p. 364-368]
– Ordre du jour de la prochaine Conférence
[p. 367]
– Homélie du Président, S.E. le métropolite Meliton de Chalcédoine à la Liturgie de clôture
[p. 368-372]
Bibliographie
• Les catholiques et l’unité chrétienne du XIXè siècle – Etienne Fouilloux
[p. 373-377]
• La grâce et le pouvoir – Dominique Barbé
[p. 378-380]
• Byzance ou l’autre Rome – Jean Decarreaux
[p. 380]
• Approches de Dieu dans la tradition orthodoxe – Kallistos Ware
[p. 380-381]