Contacts, n° 251

N° 251 – 3e trim. 2015

Liminaire

Du 30 avril au 3 mai 2015 s’est tenu à Bordeaux, sous l’égide de l’Assemblée des Évêques Orthodoxes de France (AEOF), le XVe Congrès orthodoxe en Europe occidentale sur le thème de la condition des chrétiens « pleinement dans le monde, mais pas de ce monde ». Des messages de soutien reçus de plusieurs évêques retenus ailleurs ont été lus à cette occasion : le métropolite de France, Mgr Emmanuel, président de l’AEOF, rappelait que le chrétien est appelé à devenir médiateur entre le visible et l’invisible ; le métropolite de Belgique, Mgr Athénagoras, affirmait qu’il avait participé à tous les congrès orthodoxes précédents, « lieux d’expériences fabuleuses et combien enrichissantes » ; l’Archevêque Job (Exarchat des paroisses de tradition russe) soulignait la dimension panorthodoxe d’un tel rassemblement. Les congressistes ont bénéficié de la présence constante, attentive et bienveillante du métropolite Stéphane, primat de l’Église orthodoxe d’Estonie, et de Mgr Jean de Charioupolis (Patriarcat œcuménique), puis de la venue de Mgr Marc (Patriarcat de Roumanie, Bordeaux) et de Mgr Nestor (Patriarcat de Moscou, Paris).

Cette quinzième édition depuis le premier Congrès de 1971, organisée par la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, rassemblait près de 600 participants de divers diocèses orthodoxes, venus des pays d’Europe occidentale et au-delà, pour un partage commun. Quatre conférences plénières, trois tables rondes et une quarantaine d’ateliers permirent d’approfondir la question de la vocation des chrétiens dans le monde, ainsi que des temps de prière et une soirée d’hommage consacrée à la mémoire du père Cyrille Argenti. On trouvera, dans ce numéro, les textes principaux des conférences et les rapports de ces trois jours de partage ecclésial.

Le premier conférencier, le père Jean Gueit, a axé sa réflexion sur l’adage patristique « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Il a introduit la problématique du Congrès en montrant que le mode de fonctionnement de l’humanité est marqué par des polarités conflictuelles de plus en plus violentes et mortifères. Seule l’élaboration du droit et l’organisation d’un pouvoir politique rendent possible la vie en société. Mais Dieu dépasse cette conflictualité en nous réconciliant avec nous-mêmes et avec le cosmos. Pour conclure, le père Jean a insisté sur la force libératrice de l’Esprit Saint face à toute forme d’autoritarisme : l’Église n’est pas un carcan mais le corps du Christ ressuscité.

Dans la deuxième conférence plénière intitulée « Pour une théologie orthodoxe contre la démission », Assaad Kattan a appelé à un renouveau créatif de la théologie qui permette d’établir des ponts entre la réalité actuelle post-moderne et le vécu ecclésial. Il a souligné trois aspects : la nécessité de revenir à une interprétation dynamique de la Tradition ecclésiale, permettant d’en dégager le message essentiel sous ses formes transitoires, l’importance d’avoir une approche théologique qui valorise la raison, enfin l’urgence de développer de nouveaux modes de lecture des textes au fondement de la Tradition.

Après l’office des matines, la deuxième journée du Congrès (samedi 2 mai) s’est ouverte sur la troisième session plénière la conférence de Mgr Stéphane, primat de l’Église orthodoxe d’Estonie. Celui-ci, dans une riche méditation, s’est demandé comment les chrétiens, en particulier orthodoxes, peuvent trouver des repères entre un Occident en pleine décroyance et le fanatisme montant au Proche-Orient et en Afrique. Il a montré que de cette tension peuvent naître les conditions d’une nouvelle rencontre authentique du monde avec l’Évangile. Mais, a-t-il souligné, « seule une pastorale de communion peut émouvoir la société sécularisée » en faisant redécouvrir à l’homme une réalité secrète qui ne peut que se contempler et en rappelant à la société son sens de l’amour.

La dernière conférence plénière, prononcée par le théologien laïc grec Thanasis Papathanassiou, ayant pour thème « Quand l’idolâtrie séduit et mène à une Église sans mission », fut un appel à se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint pour faire de la vie chrétienne bien plus qu’une simple observance de rites. Le théologien a souligné le danger de croire qu’on peut posséder le Dieu vivant dans l’Église, transformant ainsi la foi en idolâtrie et faisant des prêtres une caste chargée d’administrer seule l’Église. Il importe de toujours se souvenir que la lex credendi (règle de foi) et la lex orandi (règle de prière) sont ancrées dans la lex sequendi : appel à « suivre le Christ nu » (saint Colomban). Car l’homme est appelé à être image de Dieu et non idole, ce ne sont pas les autels de pierre qui importent mais les autels vivants.

Une série d’ateliers a ensuite permis aux participants de réfléchir sur des questions aussi diverses que le rapport entre psychothérapie et paternité spirituelle, la transmission de la foi en famille, la vie du chrétien en entreprise, le dialogue entre Islam et christianisme, etc. En soirée, un hommage au père Cyrille Argenti devait rappeler, au fil des témoignages, combien cet artisan de la Fraternité orthodoxe, ardent promoteur d’une orthodoxie francophone et du dialogue œcuménique, fut avant tout un grand et authentique pasteur, s’efforçant de conduire vers le Christ les nombreuses personnes qui sollicitaient son aide.

Une seconde série d’ateliers a suivi cette conférence plénière. Puis, en début d’après-midi, s’est tenu un temps de prière œcuménique à l’intention des chrétiens d’Orient persécutés. Ce moment d’une grande ferveur a rassemblé, outre les participants au congrès, divers représentants religieux, notamment Mgr Laurent Dognin, l’évêque auxiliaire catholique de Bordeaux, tous unis dans une même prière pour les martyrs de notre temps.

Trois tables rondes simultanées se sont ensuite déroulées : la première, intitulée « Que peut on attendre du futur Concile panorthodoxe ? », et animée par Michel Stavrou (Institut Saint-Serge), avait pour intervenants le père Dimitrios Bathrellos (Athènes), Pierre Sollogoub (Fraternité orthodoxe en Europe occidentale) et le père Alexis Struve (Nantes, Kiev). Elle a permis de faire le point sur la préparation du concile panorthodoxe à venir et sur les attentes qu’il suscite. Les intervenants ont souligné le peu d’informations diffusées auprès du peuple de Dieu et la prise de conscience encore faible de l’importance de cet événement en gestation. La deuxième table ronde,  consacrée à « la psychologie contemporaine et les Pères de l’Église » et menée en anglais par le diacre Michael Bakker (Pays-Bas), avait pour intervenants Christine Artiga, psychothérapeute (Bordeaux), Silouane Deutekom (Orthodox Peace Fellowship) et Matthieu Sollogoub, professeur de chimie moléculaire (Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris VI). Intitulée « Questions actuelles d’éthique », la troisième table ronde, sous la houlette du père Christophe D’Aloisio (Institut Saint-Jean-le-Théologien, Bruxelles) et avec la participation de l’évêque Jean de Charioupolis (Genève, Paris), du docteur Denys Clément (Paris) et de la psychologue Natalie Victoroff (Paris), a abordé quelques questions éthiques, rappelant qu’il convient de ne pas sacraliser la vie au détriment de la personne et qu’un travail de formation des pasteurs comme des fidèles est indispensable pour que l’Église puisse relever les défis éthiques posés par le monde contemporain. Des Vigiles festives, chantées en anglais, français, roumain, arabe, grec, ont clôturé cette seconde journée.

Ces trois journées de réflexion, de dialogue, de prière, d’échanges informels –– ont offert des moments de fraternité intense, qui ont permis de partager une véritable communion ecclésiale, respectueuse de la riche diversité des personnes, de leurs multiples ancrages juridictionnels et points de vue, tout en leur donnant de vivre pleinement leur unité en Christ. La joie de la Résurrection n’a cessé d’être proclamée, chantée et vécue durant ce congrès, sans perdre de vue la réalité de la situation des chrétiens au cœur du monde, invitant chacun à répandre à sa manière cette joie, une fois rentré dans son cadre de vie quotidien.

Contacts

Sommaire

Liminaire
[p. 225-228]

Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu
[p. 229-246]
Jean Gueit

Pour une théologie orthodoxe contre la démission
[p. 247-257]
Assaad Elias Kattan

Être chrétien dans ce monde
[p. 258-275]
Métropolite Stéphane

La séduction de l’idolâtrie et l’avènement d’une Église sans mission
[p. 276-295]
Athanase Papathanassiou

Table ronde
« Que peut-on attendre du futur grand Concile panorthodoxe ? »
[p. 296-304]
Dimitrios Bathrellos, Pierre Sollogoub, Alexis Struve

Ateliers
[p. 305-351]

In memoriam : Nicolas Ossorguine (1924-2014)
[p. 352-356]

Bibliographie
[p. 357-367]